Obligement - L'Amiga au maximum

Vendredi 06 juin 2025 - 12:37  

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Reportage : La situation informatique en Pologne en 1987
(Article écrit par Denis Scherer et extrait de Tilt - décembre 1987)


L'explosion a commencé en Pologne plus tard qu'en Hongrie ou en Yougoslavie. Sur les rives de la Vistule, le jeu est roi, les tirages de la presse gigantesques et la micro se diffuse à tous les coins de rue. Ce bouillonnement, spontané, n'en devrait pas moins tirer en avant l'industrie locale.

En parcourant Marszalkowska

La rue du Maréchal (Marszalkowska) traverse le centre de Varsovie. Rue large et triste qui parcourt des quartiers entièrement rasés par la Deuxième Guerre Mondiale et reconstruits dans le style stalinien monumental au cours des années 1950. Sinistre lieu qu'empruntent les Varsoviens dans leurs déplacements quotidiens. En parcourir quelques centaines de mètres fait mesurer l'ampleur de la pénétration de la micro. Place du Sauveur, un magasin de la chaîne Maluch : alimentation générale, produits d'entretien, vêtements et jouets pour enfants. Une sorte de guérite, à l'intérieur du magasin, propose des programmes pour Spectrum. Une affichette scotchée à la vitre donne l'adresse d'une boutique qui, quelques dizaines de mètres plus loin, propose non seulement des programmes, mais aussi les machines Spectrum-Timex.

situation informatique pologne 1987
Les sous-sols de la gare centrale

En sortant, je parcours la rue Marszalkowska vers la vieille ville méticuleusement reconstituée. La rue est bordée de maisons à arcades. Vitrines de galeries, quelques commerces. Un panneau coloré annonce : "Café, salle de jeux au deuxième étage". Deux salles se jouxtent. Niveau sonore infernal. Un moniteur TV propose aux consommateurs des clips musicaux usés d'avoir trop servi. Impossible d'écouter Prince ou Tina Turner en sirotant tranquillement un champagne soviétique, ou un cognac d'origine indéterminée de la salle voisine parvient le fracas de la Guerre Des Étoiles.

Une vingtaine de machines tournent à plein régime, toutes occupées. Simulations de motos, guerre, aventure-action comme Ghost'N Goblins retiennent des grappes de lycéens. Une femme lit un roman et distribue les jetons sous la pancarte "Les enfants en dessous de douze ans ne peuvent pas changer plus de cent zlotys". Mes tympans bourdonnent, mes poumons cherchent un peu d'oxygène sous la fumée de tabac, qui pique les yeux et brouille le chiche éclairage dispensé par des lustres jaunâtres... Je rentre quand même dans une librairie générale. Une courte queue est indispensable pour obtenir, de quelqu'un qui sort, le panier métallique où stocker mes trouvailles. Les consommateurs des deux sexes flânent entre les rayons. Quelques bouquins d'info, des brochures.

La diversité des éditeurs me sidère si l'on comprend que les syndicats officiels diffusent une brochure d'initiation à la micro-informatique, je me demande encore pourquoi une brochure consacrée au BASIC et à l'assembleur du Spectrum forme un supplément aux "Cahiers historico-politiques du Front démocratique" (parti politique potiche) ! Effet de mode ? A cause des recettes apportées par les six pages de publicité regroupées à la fin du cahier ? Une grande maison de la presse. Trois publications de micro disputent la vedette en vitrine aux bouquins sur Varsovie et à l'album consacré au Pape.

Au-dessus de la maison de la presse, le grand magasin Wars. La période de pénurie aiguë est terminée, les comptoirs semblent bien garnis. A l'entresol une petite boutique. Des programmes et des machines à ne savoir qu'en faire. Détail pittoresque les compilations de jeux portent la marque du magasin Wars. Des titres la cassette quatre contient : Antiriad, Legend Of Cage, Judge Dred, The Goonies, Yie Are Kung Fu II. Comme je l'ai entendu dire, en un euphémisme délicat : le statut juridique de ces compilations est ambigu. Certes, mais le centre commercial voisin, Sezam, diffuse d'autres compilations sous la marque Sezam. Statut juridique similaire.

J'ignore superbement les simples kiosques à journaux, publics ou ceux des hôtels, qui croulent tous sous les publications informatiques. Et je n'ai parcouru que quelques centaines de mètres de la même rue. Un annuaire micro-informatique de Varsovie devrait recenser des dizaines, voire des centaines d'adresses. Devant les grands magasins, la rue Marszalkowska s'élargit en une immense place des défilés, au bord de laquelle est érigé un immeuble de béton surmonté d'une flèche, de plus de 200 mètres de haut, l'imposant bâtiment contient des salles de congrès, des théâtres, des cinémas, administrations, des librairies et se nomme Palais De La Culture.

Le plus heureux des habitants de Varsovie serait le gardien du Palais De La Culture. C'est le seul Varsovien qui ne voit pas, en ouvrant ses volets le matin, ce gigantesque gratte-ciel, cadeau de Staline à la Pologne. Son ombre balaie le centre du Varsovie moderne et son rez-de-chaussée abrite la librairie uuniversitaire, aux rayons informatiques bien garnis, bizarrement regroupés sous le panneau "mathématique et machines mathématiques".

Les publications de l'Institut d'Informatique de l'Université de Varsovie voisinent avec des ouvrages sur les circuits VLSI (les circuits intégrés miniaturisés dont sont faites les puces de nos ordinateurs), des manuels des Spectrum et Amstrad CPC, un volume de cours d'informatique pour les étudiants d'Université par le professeur W. Turski, édité en anglais par les presses universitaires polonaises, des manuels de divers langages. Les rayons étrangers exposent une floraison d'ouvrages soviétiques d'informatique, publiés en 1987, concernant en particulier l'intelligence artificielle et les systèmes experts, synthèses documentées de l'état de la question, mais sans référence à des travaux postérieurs à 1985. Sans doute faut-il y voir le signe des longs délais nécessaires pour fabriquer un livre à Moscou et non celui d'un retard dans le suivi de ces questions par les experts soviétiques. Les étudiants polonais sont tous censés comprendre le russe puisque cette langue fait partie des matières obligatoires au lycée.

situation informatique pologne 1987
Affluence au marché au puces informatiques

Le Petit Byte et le computer

Le premier-né et le premier par le tirage (250 000 exemplaires) des mensuels polonais de micro-informatique est Bajtek (Le Petit Byte). C'est aussi le journal qui ressemble le plus à Tilt. Il fait partie du groupe de presse de Sztandar Mlodych (Le Drapeau Des Jeunes), un quotidien lié à l'organisation des jeunesses, à la fois syndicat, mutuelle et organisation politique. Bajtek envisage la parution d'un petit frère, consacré exclusivement aux Atari, et d'un autre voué aux compatibles IBM.

L'équipe du journal étend son activité à la publication de logiciels un Logo polonais pour Atari XE/XL est paru, un Warsaw Basic devrait suivre. Elle parraine des jumelages entre les clubs informatiques de Pologne et d'autres pays européens.

situation informatique pologne 1987
500 000 exemplaires avec ces trois titres

Un autre mensuel, Komputer, qui ne tire qu'à 200 000 exemplaires (!), est né plus récemment quand une partie de l'équipe de Bajtek a choisi de sortir un journal plus professionnel. L'équipe de Bajtek se compose essentiellement de journalistes, alors que ce sont surtout des informaticiens de profession qui remplissent les colonnes de Komputer. Mais le journal doit aussi parler des jeux pour satisfaire la demande des acheteurs. Et quand il publie un questionnaire, 2500 réponses submergent aussitôt les locaux.

Deux autres publications principales méritent une mention. X : Informatyka Komputery Systemy qui dépend du quotidien de l'armée Zolnierza Wolnosci (Soldat De La Liberté), qui cherche à toucher les écoliers et les plus jeunes lycéens et lycéennes. Mikroklan édite des cahiers très soignés comportant des articles techniques sur toutes les machines, du Spectrum au PC-AT. Tirage de 200 000 exemplaires. La qualité du papier empêche de publier des photos d'écrans ou de matériel très nettes. A moins, comme Mikroklan, de chercher une imprimerie en Autriche, au prix fort. Mais les publications se portent bien : faible taux de retour et un niveau de recettes publicitaires sans commune mesure avec le reste de la presse.

Une explosion si massive et rapide de la presse informatique ne semble pas seulement s'expliquer par le hasard dans un pays où le tirage des journaux est limité par le prix (élevé) du papier et par les quantités disponibles (trop faibles). Le facteur initiateur vient de ce que la Pologne effectue sa nécessaire informatisation en s'équipant de façon incontrôlée et très rapide avec des matériels divers. La réforme économique du début des années 1980 a suscité la création de structures commerciales et industrielles aptes à diffuser le matériel. Mais une fois les machines livrées, personne ne sait s'en servir correctement. Et ceux et celles qui jouent ne disposent pas des informations nécessaires à la programmation. Le temps de parution d'un livre est long, les imprimeries refusent du travail. Donc la formule de périodiques assure une formation minimum à des centaines de milliers de lecteurs.

Le démarrage d'une production locale massive est-il pour demain ?

C'est début 1986 que les premiers journaux sont apparus. A la même date, les directeurs généraux des entreprises de l'industrie informatique se sont réunis à Varsovie. Ils ont sonné les cloches au gouvernement, lui demandant de lancer des commandes massives de matériel. La livraison de 100 000 ordinateurs pour les lycées devrait s'effectuer d'ici 1990, mais à l'été 1987, le gouvernement n'avait pas encore décidé à qui, en Pologne ou à l'étranger, passer les commandes.

Le tableau de la production locale est relativement fourni. Plus d'une douzaine de modèles : trois modèles Elwro, PSPD, MK, ComPan, IMP, CS, IMZ, Mera, Meritum, Unipolbrit 2086. Elwro ou Mera sont des usines d'état (Mera produit 3000 micros par an, appelés Mera, certains baptisés Meritum autour d'un processeur U880D, compatible avec le Z80, et a conçu le Mazovia, un compatible IBM qui devrait être produit cette année à 5000 unités).

L'Unipolbrit 2086 utilise le processeur Z80, de 48 ko de mémoire et 24 ko de ROM, son mode haute définition est de 512x192 pixels. C'est une création de la firme privée Polbrit. Hélas, les informations ne concordent pas si la télévision a diffusé un reportage sur les ateliers de montage du micro-ordinateur Elwro-800, selon la section syndicale de Solidarnosc de l'entreprise Elwro, "pas un seul ordinateur n'a été produit à ce jour et il n'y a aucune chance que cela se fasse dans les semaines à venir" (bulletin Victoria n°68, 15 janvier 1987). Rien d'étonnant à ce que la production de 1986 ait été sensiblement égale au nombre de machines que les particuliers ont officiellement fait entrer dans le pays au cours du seul second semestre de l'année : 12 à 13 000 machines. Mais la volonté de multiplier la production d'ordinateurs, de périphériques, de disquettes ne fait aucun doute.

Les puces des puces

Ça y est, je suis dans le bon quartier ! L'homme que je croise tient un carton serré contre son coeur. Dans le carton, un ZX Spectrum. Le marché aux puces informatique se fient dans l'école au coin de la rue Grzybowska. L'entrée est payante. Plusieurs vastes salles réparties sur trois niveaux sont bondées à craquer : 2500 à 3000 personnes vont y passer entre 14 et 18 heures. Sur les tables de classe, la marchandise s'étale. Rien que des micros, des programmes, des manuels techniques et des revues de micro-informatique.

Parfois le matériel est vendu neuf dans les emballages d'origine. Cet Amiga 500 vendu début juin ne saurait avoir fonctionné longtemps. Les unités centrales sont connectées à des moniteurs hétérogènes, parfois des mini-télés à l'écran lilliputien. Un ST serine avec application, mais sans fausse note, "La Lettre à Elise". Un Spectrum connecté à un bras robot disparaît sous l'entassement des curieux. Plusieurs tables recouvertes de photocopies de documentations, traitements de texte, langages, gestions de fichiers tournant tous sur IBM et compatibles témoignent pour l'univers MS-DOS dont les machines sont absentes.

situation informatique pologne 1987
Photocopies de documents : le plus rare !

On vend des compilations, Spectrum et Commodore, des jeux. Le marché existe depuis avril 1986. A son initiative un club, mais "nous ne pouvions faire tout simplement un club, nous devions avoir un partenaire" et l'an dernier Bajtek est devenu le partenaire, le parrain du marché vis-à-vis des autorités, l'association qui parrainait avant ponctionnant une part trop forte du budget. "Nous fonctionnons comme une coopérative", me précise une des animatrices.

Le prix des cassettes varie selon les machines : 100 à 300 zlotys pour Spectrum, 400 à 500 pour Amstrad, 400 à 500 pour Commodore, 200 à 500 pour Atari. En sortant, je paierai 80 zlotys ma place au cinéma. Les livres à succès ? Difficile de les identifier à cause des compilations réunissant des programmes de styles hétérogènes. De plus, les effets de mode jouent très fort ; une semaine on ne parlera que de Raid Over Moscow, la semaine suivante Bomb Jack fera un tabac. Les éducatifs n'ont pas la cote. Pas de production polonaise, faute de cadre légal de protection des programmes. Les importateurs sauvages qui vendent ici n'ont pas eu à enfreindre de réglementation ou à ruser dangereusement avec les douanes.

D'ailleurs, Bajtek publie dans chacun de ses numéros le prix des machines en Autriche, en France, en RFA et en Pologne. Le ZX Spectrum 128+2 coûte 275 000 zlotys, le C64 200 000, l'Atari 520ST 800 000, l'Amstrad CPC 6128 avec moniteur couleur, 520 000. Vu le salaire mensuel moyen en Pologne, il faut travailler autant pour ces machines qu'en France pour s'offrir un PC AT d'IBM !

Les clones du bord de la Vistule

Le mouvement fort lent s'est brusquement accéléré en 1985. Cette année-là, les 4000 Atari 800 XL distribués par la chaîne de magasins à devises Pewex se sont vendus comme des petits pains. 5000 de ces machines se sont écoulées l'année suivante. Des réunions officielles ont pris de grandes décisions en février 1986, les directeurs des entreprises de l'industrie informatique se sont réunis pour discuter des perspectives de développement des micro-ordinateurs en Pologne. Ils ont envisagé de produire d'ici 1990 environ 100 000 ordinateurs pour les lycées polonais.

Ce genre de prédiction laisse froid les connaisseurs : en effet, dans un pays qui éprouve des difficultés à dépasser son niveau de production industrielle de 1979, la production de micros dépend d'aléas imprévisibles, c'est-à-dire notamment du nombre et du prix des composants achetés à l'Ouest, de la régularité en approvisionnements de toutes sortes. Trop de machines destinées à la production de masse n'ont pas dépassé les quelques centaines d'exemplaires.

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La production de clones locaux a déjà démarré

Les Polonais ont utilisé une structure originale, celle des entreprises mixtes aux capitaux étrangers, mais au personnel et techniciens polonais dirigés par un directeur étranger, citoyen américain ou allemand presque toujours d'origine polonaise. Ces entreprises vont chercher des composants en Asie du Sud-Est, et montent des clones sur les bords de la Vistule. Leur production atteint parfois 2000 unités par an. Les grandes entreprises d'état, comme les entreprises mixtes d'autres secteurs, se fournissent là, au meilleur prix. Leurs noms sont inconnus hors du pays car elles n'exportent pas, le marché local étant en pleine phase d'équipement.

La coopérative des étudiants

Nichée dans les locaux de l'union officielle des étudiants, une pièce résonne des couinements d'Amstrad CPC en plein travail. Elle sert de local à la coopérative informatique étudiante qui symbolise le style de structures qui assurent l'informatisation du pays. Elle assure des cours, les langages sont très prisés : Turbo Pascal, C, Assembleur de différentes machines, bien sûr tout le monde débute par le BASIC. Le centre met des ordinateurs à disposition des étudiants et étudiantes. Il n'est pas indispensable d'être inscrit à l'Université pour suivre les stages de formation. Ceux-ci affichent une visée très professionnelle, les plus prisés sont sur IBM et traitent de Dbase III, de tableurs et logiciels intégrés Multiplan, Lotus 1-2-3, de traitements de texte. Tout ça parce que le standard IBM devient dominant dans les entreprises.

Fini le temps où un Amstrad CPC était choisi par un responsable qui s'était auparavant et discrètement enquis du nombre et de la qualité des jeux disponibles sur chaque machine ! La coopérative est "junior entreprise" et bureau de placement : "Les étudiants qui y collaborent peuvent plus facilement trouver du travail durant leurs études. Nous recevons des commandes de firmes qui désirent des programmes particuliers, de gestion, financiers et comptables. Nous dénichons alors un spécialiste et trois ou quatre bons programmeurs. Puisque ce sont des passionnés, ils peuvent travailler jour et nuit et mettre au point de grands programmes en deux ou trois jours. Nous avons des liens avec les autorités universitaires. L'organisation étudiante nous a aidés, mais nous sommes devenus de plus en plus gros et jouissons de ce fait d'une grande indépendance."

Cette équipe est à la fois une commission du syndicat et une entreprise coopérative, une société de services et un distributeur. Délicat dans ce pays de faire rentrer tout ce qu'on rencontre dans un cadre préétabli. "Si vous laissez les gens faire quelque chose, ils s'y jettent, et d'autant plus qu'il y a beaucoup d'argent à gagner." La conclusion de cet étudiant saurait-elle tenir lieu de morale ?

Le problème des prix

Soyons clair : l'achat d'un simple ZX Spectrum dépasse de beaucoup les moyens d'un Tchèque ou d'un Polonais ordinaire. L'ensemble de ces reportages concerne exclusivement la fraction de la population qui dispose des moyens de gagner des devises occidentales.

Soyons précis : le prix d'un Atari XE ou XL, tel qu'indiqué dans le luxueux catalogue de la chaîne Pewex en Pologne, est de 120 ou 150 dollars. Le moyen le plus rapide pour avoir des dollars, en passant par le marché noir, revient à dépenser 600 ou 800 zlotys. On frôle le million de zlotys ou cinq mois d'un salaire moyen (20 000 zlotys selon le très officiel GUS). Cela vous met le bas de gamme au prix relatif des machines pro 80386 !

L'absence française

D'un périple qui m'a mené des rives de la mer Adriatique à (presque) celles de la mer Baltique, j'ai dressé l'oreille, écarquillé les yeux cherchant le doux scintillement d'un programme français, le ronronnement d'une machine bien de chez nous, voire la publicité d'une firme commerciale basée dans l'Hexagone. Las ! Un Crafton et Xunk piraté en Slovénie, et une critique de l'Affaire Sidney identifiée comme provenant d"Infogrames (UK), au texte anglais. C'est tout. C'est peu.

Les Spectrum se vendent (au prix fort) par dizaines de milliers dans la région. Jack Tramiel parcourt la zone en tous sens, multiplie les contrats, diffuse depuis longtemps les vieux Atari, espère vendre les ST. Les revues regorgent d'adresses de diffuseurs allemands de matériels, de périphériques, de cartes d'extension. Des éditeurs américains ou allemands, bientôt britanniques coéditent livres et journaux en hongrois. Les firmes françaises croient-elles qu'à l'est de Hambourg et de Trieste commence le désert des Tartares ? Les Britanniques, Allemands, Américains qui s'intéressent à ces marchés n'ont pas la réputation de philanthropes idéalistes. La réponse à ces questions est en France.

Le désert est bien peuplé

Certes, le taux d'équipement des ménages en ordinateurs personnels n'atteindra pas dans l'immédiat celui atteint par les postes de radio ou de télévision. Certes, les machines conçues autour du Z80 font la loi. Certes, la diffusion commerciale de progiciels attendra encore un peu. Certes, l'absence de division internationale du travail en informatique dans la région, comme les interdictions tatillonnes des militaires occidentaux, le prix des composants, freinent chacun à leur façon la conception de machines autochtones et concurrentielles.

Certes, la structure économique d'ensemble des pays à économies centralement planifiées de façon rigide ne pousse ni aux innovations ni à la souplesse. Mais des centaines de milliers de lecteurs et lectrices de la presse informatique, des centaines de milliers de personnes passionnées, une phase d'équipement rapide des industries et services, des compétences de niveau international en matière de logiciel, une expérience industrielle de la production de matériel qui commence à se concrétiser dans le démarrage de production de masse, en se conjuguant, pourraient provoquer des surprises. Avec l'adoption de plus en plus massive du standard MS/DOS, les pays d'Europe centrale et orientale sont entrés quasi clandestinement dans la communauté informatique internationale. Ils ont trop d'ambition pour rester longtemps discrets. Mieux vaut le savoir.


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