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A propos d'Obligement
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David Brunet
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Reportage : La situation informatique en Hongrie en 1987
(Article écrit par Denis Scherer et extrait de Tilt - septembre 1987)
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L'informatique hongroise ne ressemble à aucune autre. Arpentant les rives du Danube, nous avons compris
que ces experts en programmation cherchent à faire du monde entier leur marché. Quelle musique vont-ils
jouer dans le concert informatique planétaire ?
Les noms dans l'informatique hongroise
L'histoire de la jeune production de logiciels hongrois se résume en quelques noms et symboles.
Premier nom, celui de Siemens. Au début des années 1970, la firme allemande cherchait des soutiers
de la programmation. Elle a commencé à employer des Hongrois pour de la programmation de routine.
Mais les Hongrois ont appris par cette expérience qu'ils pouvaient vendre à l'étranger leurs capacités
de programmation.
Deuxième nom, celui de Jack Tramiel. Le moment : 1981. Celui qui dirigeait alors Commodore International
Ltd visitait Budapest pour ausculter les capacités locales de programmation de jeux. Test concluant.
Commodore commença à travailler avec des programmeurs de Budapest. Coleco, CBS et d'autres s'engouffrèrent
dans la brèche. Ian Livingstone a programmé Eureka avec des Hongrois.
Troisième nom, symbolique, celui de M-Prolog (pour Modular Prolog) version hongroise du langage
d'intelligence artificielle Prolog, développé en 1979-1980, bientôt suivi d'un mini-Prolog dont
le premier client est le fabricant japonais Sord. Mais le plus beau coup des Hongrois reste la
vente d'une licence de M-Prolog pour le projet japonais d'ordinateurs de la cinquième génération.
Les Hongrois vendent d'ailleurs des programmes adaptés aux caractères japonais. Résultat : 10 millions
de dollars d'exportation de logiciels l'an dernier.
L'équipement de la Hongrie repose en partie sur les 8, 16 et même 32 bits de fabrication locale
Des ventes qui marchent bien
Aujourd'hui, SZKI est un gros institut de recherche qui travaille sur les langages et l'intelligence
artificielle et dont les centaines de chercheurs trouvent des dents dans le monde entier.
Novotrade, autre grosse structure, fait des programmes professionnels ou éducatifs. Ils développent
ainsi pour Borland un programme financier, ont des accords de programmation avec les compagnies
américaines Atari, Brøderbund ou Epyx. Pas sectaires, ils développent des programmes éducatifs
avec l'URSS et l'Institut des Sciences de l'Information de l'Académie des Sciences Soviétique.
La Hongrie exporte aussi des machines comme le mini-ordinateur Videoton, distribué par une firme
hungaro-anglaise basée en Grande-Bretagne.
Videotron, le compatible IBM des bords du Danube
Les Hongrois développent des logiciels pour des machines qu'ils n'ont jamais le droit d'importer.
Des systèmes experts, des logiciels de conception assistée par ordinateur en trois dimensions,
sont développés pour des systèmes 32 bits dont le Cocom (structure plus ou moins dépendante de
l'OTAN qui contrôle les exportations de haute technologie vers les pays de l'Est) interdit
l'exportation, voire la simple exposition à Budapest ou Varsovie.
Des programmes très divers mais une seule provenance : les programmeurs hongrois
Une presse très professionnelle
Les plus gros journaux informatiques de Hongrie dépendent d'une multinationale de presse occidentale,
fait qui tranche avec le contrôle absolu de la presse par le pouvoir politique qui fut la règle dans
la région depuis 40 ans et qui reste la norme en Tchécoslovaquie, URSS et Roumanie pour ne citer que
des pays voisins.
La naissance d'un curieux bébé fut annoncée en mars 1986. Les heureux parrains (ou parents) sont la
multinationale américaine de presse Computer World International (49% des parts), une grande maison
d'édition hongroise, Lapkiado Vallalat (26%), et l'Office Central de Statistique, Statisztikai Kiado
Vallalat (25%). Un an après sa création, le nouveau groupe de presse édite deux journaux vendus en
kiosque et deux lettres professionnelles diffusées par abonnement.
Voyons ça de plus près : un bimensuel, Computerworld Szamitastechnika, sous-titré "journal international
d'informatique". Le prix, 58 forints (8 FF), est très élevé. 64 pages dont 22 pleines pages de publicité,
proportion qui doit pulvériser les scores en ce domaine de toute la presse des régimes de l'Est.
Une division en rubriques très rigides.
Le contenu est technique, sérieux, extrêmement professionnel. Deux pages sont occupées par un
article sur les problèmes des fichiers informatiques en France du point de vue des libertés.
Un gros dossier de 16 pages décortique la question des satellites de télécommunications.
Les pages sur les logiciels traitent de R Base, des langages Cobol et Ada (le Ada hongrois !), etc.
Plusieurs des principaux journaux font partie du groupe CWI. A droite, un magazine moins austère, Mikro Magazin
L'hebdo PC Mikrovilag (le monde micro et PC) diffusé à 20 000 exemplaires, a été fondé il
y a deux ans, et existait donc avant d'appartenir au groupe. Le mot PC rajouté à l'automne dernier
correspond à une évolution vers plus de sérieux et moins de bidouilles et de jeux. La première page
se bâtit autour d'une "accroche" non-informatique : entretien avec une personnalité, etc.
Page 2, le monde des PC. Page 3, les nouvelles des PC. La page 4 est, chaque semaine, consacrée
aux programmes éducatifs, un cahier central publie des programmes tournant sur Primo ou le HT,
machines de fabrication hongroise. La treizième page propose toujours une table ronde consacrée
aux interférences, contacts entre différents problèmes et l'informatique. La quatorzième page traite
(chaque semaine !) des satellites. La dernière est consacrée aux logiciels et publie des "pokes"
pour des jeux sur ZX Spectrum.
La lettre très professionnelle Computrend parle des machines et, Szoftuer, comme son nom
l'indique, des logiciels : DOS 3.3 et OS/2, des programmes pour C64 comme GEOS, comme pour
les IBM 370 et les Vax : World Perfect. Ces publications témoignent de l'existence d'un milieu
informatique pour lequel une information précise, exhaustive, récente et internationale est
une nécessité vitale.
Le pays n'a pas d'équivalent de Tilt, Mikro Magasin, moins austère, ou une publication
dédiée au C64, Commodore Hirlap remplissent un peu ce rôle. Mais point de somptueuses photos
d'écran ou de plans de jeux. L'ouverture sur le reste du monde se manifeste avec éclat par
la publication d'une édition hongroise du Scientific American (il est édité en France sous
le nom de Pour La Science), en hongrois cela donne Tudomany ("Science"), dont leur excellent
numéro spécial informatique est aisément disponible. De même, la maison d'édition allemande Data
Becker collabore avec l'entreprise hongroise Novotrade pour éditer en hongrois une importante
collection d'ouvrages.
Spectrum et Commodore sont rois
Budapest fait vivre beaucoup de boutiques. La plupart ne présentent pas de différences notables avec
les boutiques françaises diffusant du matériel professionnel. Les boutiques ont vu leur création
favorisée en 1984.
Les premières boutiques diffusant des micros de loisirs sont nées pour Noël 1984. Le Primo, premier
ordinateur personnel hongrois (1984) n'a pas réussi sa percée chez les particuliers. Ses trois
versions possèdent un clavier acceptant tous les caractères de l'alphabet hongrois. Le Primo équipe
les écoles. Il y concurrence les HT (HT 1080Z ou HT 3080C), produits par la Coopérative de Télécommunications
pour les besoins du plan "Informatique Pour Tous" des rives du Danube. Les six ou sept modèles de
machines hongroises entrés dans les écoles utilisent le processeur Z80 ou des dérivés.
La production domestique ressemble vite à un cauchemar économique. Première étape : on projette de
construire une machine (presque) sans y incorporer de composants, importés contre des dollars.
Deuxième étape : les composants prévus s'avèrent non disponibles, non fiables, voire inexistants. Il faut donc
leur substituer des circuits achetés à l'Ouest. Troisième étape : un comptable compare le total du
coût des composants importés avec celui d'un ordinateur acheté déjà monté. Quatrième étape :
le comptable s'étrangle et le montage du nouvel ordinateur s'engage sur de mauvais rails. Les
Spectrum et les Commodore C16, Plus/4, C64 constituent les gros bataillons des machines ludiques.
L'entreprise Novotrade fondée en 1983 par une centaine de banques et d'entreprises hongroises,
tient une chaîne de boutiques nommées 2C comme Commodore Computers, dont le sigle est assez clair,
et qui a ouvert 15 nouvelles boutiques en 1986. Novotrade a acheté et diffusé en Hongrie des
Commodore PC et petites machines C16 et Plus/4 par paquets de 10 000. Okta Soft, une de ses
filiales, a développé 90 logiciels éducatifs l'an dernier et veut proposer des programmes pour
toutes les matières et à tous les niveaux dès cette année. La dernière machine à se présenter sur
le marché hongrois est l'Enterprise, 128 ko, construit en Grande-Bretagne, dont l'unité centrale
est vendue 16 900 forints, soit plus de 2000 FF. Et plus de trois mois du salaire de
nombreux Hongrois. Et si l'Est épongeait au prix fort las stocks de machines technologiquement
vieillies, invendables à l'Ouest ?
Rue Balzac, une des boutiques du réseau 2C
En apparence, monopole des logiciels hongrois
J'ai eu l'impression d'énerver sérieusement certains de mes interlocuteurs en les bombardant
de questions sur le piratage. Ils ou elles n'ont jamais démordu d'une vision des choses très
simple : puisqu'on trouve des programmes à tous les coins de rues, que les clubs informatiques
de districts en achètent par lots entiers, puisque donc les logiciels sont un peu partout, tout
à fait accessibles à la jeunesse hongroise, il ne circule dans le pays que des originaux,
ou presque. Il est plus facile de vérifier une affirmation qu'une négation. Il est exact, et
chacun peut le constater, que des programmes sont en vente un peu partout à Budapest ;
et quasi exclusivement des programmes hongrois. Mais comme des parties endiablées de Raid Over
Moscow font les nuits blanches des jeunes maniaques de Buda et de Pest, et que ce programme
n'est pas en vente dans les boutiques, j'en ai déduit qu'il existe une importation parallèle.
Mais ce phénomène n'a pas l'ampleur extraordinaire qu'il revêt en Yougoslavie ou en Pologne.
L'informatique n'a pas été introduite en Hongrie par contrebande. C'est une politique de longue
haleine de l'État qui a assuré une familiarisation de centaines de milliers de personnes à
cette technique, qui l'a imposée dans les écoles et les lycées et a organisé les importations
de matériel. Les retombées positives tant commerciales que de prestige intellectuel du pays
sont à mettre au crédit d'une attitude consciente des autorités. La Hongrie est aujourd'hui
un réel acteur sur la scène informatique mondiale dont elle espère occuper une place toujours
plus grande. La Hongrie a peu de pétrole et manque de devises mais elle a des idées et envie
de les vendre...
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