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A propos d'Obligement
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David Brunet
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Reportage : La situation informatique à Hong-Kong en 1987
(Article écrit par Catherine Van Cauwenberghe et Jean-Michel Rossi et extrait de Tilt - janvier 1988)
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Hong-Kong ou l'autre visage de la micro-informatique. Là-bas, les ordinateurs sont copiés en
série, les logiciels ne sont pas protégés, le piratage n'existe pas. Dépaysement garanti.
Comme tous les après-midi, en cette période de mousson, la pluie se déverse violemment sur
Hong-Kong surchauffée. L'atmosphère étouffante n'en fraîchit pas pour autant. La saison
rend tout moite, poisseux. L'air est lourd. Mais cela ne semble gêner en rien les millions
de Chinois qui s'activent en tous sens. Hommes d'affaires en complet-cravate, coolies portefaix
sur leurs vélos surchargés, vendeurs de dim-sum et de poisson frit ambulants, étudiants en
chemisette, les rues grouillent de monde, sans parler de la circulation ininterrompue où dominent
les taxis, les camions à plates-formes de bois chargés d'épices et de sacs de riz, et les double-deck
buses.
Hong-Kong, aux yeux occidentaux non avertis, apparaît comme le paradis des gadgets. Le label
"made in Hong-Kong" symbolise le règne de la matière plastique, de l'électronique, et
de la micro-informatique à bas prix. Tout cela existe certes, les téléphones en forme
de Mickey, les calculatrices transparentes et les faux Apple, mais il ne faut pas oublier
que Hong-Kong est surtout la troisième place financière mondiale après Londres et New York.
Cette ville, plaque tournante du trafic commercial pour les pays n'ayant pas reconnu la Chine
communiste, est un mélange étonnant de pauvreté et de richesse (c'est ici que l'on compte le
plus grand nombre de Rolls au mètre carré), de modernisme, à la pointe de la technologie, et
d'une culture ancestrale où le travail acharné est une des valeurs les plus importantes.
Le marché de la micro-informatique est au carrefour de ces mentalités.
Une visite à Golden Center
Dans cette ville-fourmilière, la grosse informatique, les ordinateurs géants, clignotent
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans les luxueux immeubles climatisés des sièges de
banques, des compagnies d'assurances et contrôlent le chargement des milliers de porte-conteneurs
du port. Le temple de la micro se situe plus modestement dans un immeuble d'un quartier populaire.
Golden Computer Arcade, plus connu sous l'appellation de Golden Center est ouvert tous les
jours jusqu'à 22 heures, les étages sont divisés en une multitude de petits stands encombrés
et envahis en permanence par les jeunes Chinois.
Ce qui étonne le visiteur qui pénètre pour la première fois à Golden Center, c'est le nombre
d'Apple II qui trônent dans presque toutes les boutiques du centre. Or, surprise pour l'Occidental
qui s'approche, il n'y a pas de marque sur les machines et le prix de l'unité centrale ne dépasse
pas les 1100 $HK (environ 800 FF). Pourtant, c'est bien un Apple II C, même couleur, même encombrement,
le modèle est en tout point pareil à l'original. Ces copies impunies sont un pied de nez à Apple
qui s'est toujours battu contre l'apparition de clones tout en fermant les yeux sur le piratage
des logiciels. Le second standard a visiblement renoncé à se battre contre une pratique tellement
ancrée dans la mentalité locale.
Mais ces faux Apple se vendent mal depuis un certain temps et malgré baisses de prix et promotions
répétées, plus personne n'en veut. Pourquoi ? Parce que l'acheteur potentiel préfère maintenant
consommer du compatible PC haut de gamme. Pour un prix très compétitif (la configuration complète
d'un PC AT revient à 7000 FF), les PC présentent l'avantage d'être légaux, donc utilisables
professionnellement et bénéficient d'un service après-vente efficace, et d'une logithèque
exceptionnellement riche et peu onéreuse. Il semblerait même que le PC AT pourrait tenir tête
à son principal concurrent, le PS, qui devrait arriver à Hong-Kong sous peu.
Les cartes de circuits imprimés se vendent comme des savonnettes, sur un trottoir
Toutes les autres marques qui ponctuent l'univers familier de la micro occidentale paraissent singulièrement
absentes des principaux stands. Aucun Amstrad, Commodore ou Atari à l'horizon. Atari a pourtant eu
son heure de gloire à Hong-Kong. Pour la première fois, un constructeur ouvrait des show-room (salles de
démonstration) pour présenter ses machines et permettre à l'acheteur de les tester. Mais l'intérêt du
public est vite retombé. Les Atari sont trop fermés et empêchent tout bidouillage ou extension, le
nerf de la guerre à Hong-Kong, où les cartes et périphériques de tout poil font fortune.
C'est le règne du kit et donc des compatibles PC.
Le visiteur se rend au Golden Center pour acheter des cartes additionnelles, des lecteurs de disques durs,
des alimentations électriques qui viendront gonfler la machine. Naturellement, les Japonais tels MSX,
Sega et Nintendo occupent une part non négligeable du marché sous leur propre marque. Ces derniers
sont vendus à un tel prix qu'ils ne justifient pas la fabrication de clones.
Du côté des logiciels, le système mis en place est encore plus révolutionnaire. Un éditeur français
n'y retrouverait pas ses moutons et surtout pas son argent. Les centaines de jeux bradés chaque jour
au Golden Center coûtent de 3,50 à 10 FF. La scène qui suit ne pourrait s'imaginer nulle part ailleurs :
le joueur entre et fait son choix ; le vendeur sort alors l'original du tiroir, le place dans la machine
en compagnie d'une disquette vierge et demande deux minutes d'attente.
Une fois l'opération faite, il ne reste plus qu'à recopier le nom du logiciel sur la disquette.
Le même principe s'applique aux cartouches. L'opération se déroule au grand jour, en toute légalité.
Pour le prix d'un ticket de métro parisien, l'acheteur repart avec son jeu en poche. Étonnant, non ?
Évidemment, il manque la belle jaquette couleur ou la description détaillée du programme mais là
où l'arcade est reine, point n'est besoin de dix pages d'explication. Tout ceci n'est possible que
parce qu'à Hong-Kong, les créateurs de logiciels ne sont pas intéressés aux ventes mais rémunérés au
forfait une fois pour toute. Ils cèdent tous leurs droits en vendant leur idée. La notion de piratage
n'existe même pas et les machines de copies tournent à plein rendement.
Tout cela serait parfait dans le meilleur des mondes si le revendeur n'avait étendu la pratique aux
logiciels occidentaux. En quelques semaines, le dernier incontournable anglais est disponible au
Golden Center. Les créateurs n'ont alors aucun recours sur les ventes de leur travail dans
cette partie du monde. Autant dire que nous étions tout à fait mal vus là-bas et que nos appareils
photos n'ont pas provoqué l'enthousiasme général. Espions venus de l'Ouest, nous avons été refoulés
à plusieurs reprises. Les jeux jouissent d'un autre moyen de diffusion hors des circuits classiques
et des magasins. Dans un pays où le téléphone est gratuit, les échanges par modem vont bon train
et l'on imagine sans mal les réseaux de joueurs qui se sont tissés à travers la ville.
Des micros à la carte
Si Hong-Kong a pu s'implanter fortement sur le marché de la micro, c'est grâce à sa main-d'oeuvre qualifiée et
peu chère, prête à se recycler aussi souvent que ses industries. Les composants électroniques sont
fabriqués à Hong-Kong même, ou importés de Taïwan ou du Japon pour être assemblés sur place.
Bien souvent, c'est l'utilisateur lui-même qui compose son micro à l'aide des cartes achetées
dans le commerce. Suivant ses priorités, il réalise ainsi un micro personnalisé à des prix imbattables.
Certains constructeurs n'hésitent pas, pour le prix du disque dur et de l'alimentation électrique, à
fournir tout le reste en prime, jusqu'au clavier et à l'écran couleur. En effet, le problème principal
de Hong-Kong est le manque de place, les stocks coûtent très cher, il faut donc savoir vendre très
vite au rythme de la production. La surenchère se développe très rapidement et, commerce oblige,
tout le monde doit s'aligner sur cette politique. Il en est de même pour la maintenance. Le plus souvent,
les revendeurs échangent les machines défectueuses contre du neuf. Le rebut est alors désossé et
remis dans le circuit commercial sous forme de pièces détachées.
A la sortie d'un métro ultra-moderne, le visiteur plonge dans la fourmilière des marchands ambulants
On a vu des petites entreprises chinoises racheter des stocks d'ordinateurs uniquement pour les pièces.
Cet exemple illustre bien la mentalité chinoise qui sait parfaitement déceler les nouveaux marchés et
tirer parti des situations pour faire du commerce. Dans ce brassage accéléré des machines
et de logiciels, un seul problème subsiste : la langue. Dans une ville essentiellement chinoise,
seul l'anglais est de mise en micro-informatique pour des commodités d'utilisation et surtout la
compatibilité avec le matériel. Il n'existe que très peu de systèmes en langue chinoise et la plupart
restent très laborieux.
Le chinois traditionnel, le mandarin, s'écrit à l'aide de signes qui expriment
l'idée et non le son. Les dictionnaires renferment quelque 35 000 mots. Il faudrait donc un
clavier de plusieurs milliers de touches pour taper un texte en chinois traditionnel. Dans les années
1960, une écriture du chinois en caractères romains a été mise au point, le Pinyin. International
Geosystem a sorti récemment le logiciel Tian-Ma (le cheval du jour) pour IBM PC ou compatibles.
Tian-Ma permet d'obtenir à l'écran ou sur imprimante la transcription en idéogrammes du chinois
Pinyin tapé sur un clavier romain. Mais ce logiciel extrêmement coûteux est surtout utilisé par
les organismes officiels. L'anglais reste la seule langue de l'informatique à Hong-Kong.
On retrouve cette suprématie dans la presse.
La plupart des magazines de micro-informatique disponibles en kiosque sont importés d'Angleterre
ou des États-Unis. Il existe cependant quelques éditions locales de journaux professionnels comme
Computerworld, la seule parution hebdomadaire en Asie ou bien Asian Computer, un mensuel fondé en
1977 qui est le plus vendu dans cette région du monde. Parmi les quelques mensuels de micro-informatique
rédigés en chinois, citons Personal Computer ou Modem Electronic dédiés au matériel et envahis de
publicité pour des pièces détachées. Il n'y a pas de place à Hong-Kong pour un journal
de jeux comme Tilt. En effet, pourquoi acheter une revue à 20 FF quand, pour le même prix, le
joueur repart avec quatre jeux en poche ? En revanche, il se vend partout de très nombreux livres
de programmes de jeux, classés par genres.
La force d'adaptation
De toutes les transformations pouvant affecter le marché de la micro-informatique dans le
monde occidental, apparition d'une nouvelle machine, prédominance d'un format de disquette,
hégémonie d'une marque, aucune ne devrait influer sérieusement sur cette industrie à Hong-Kong.
En effet, l'adaptation ultra-rapide étant la qualité principale des petites entreprises chinoises,
elles trouveront toujours un débouché à leur savoir-faire et recycleront leur main-d'oeuvre
pour produire les machines en vogue sur le marché. Leur force n'étant pas basée sur la recherche,
ni sur les idées nouvelles, mais sur la rapidité et le moindre coût de production, donc de vente,
l'avenir de la micro-informatique à Hong-Kong paraît avoir encore de belles années devant lui.
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