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Pour le lancement de sa nouvelle machine, Commodore invita des centaines de personnes, dont une bonne partie de médias américains (et pas uniquement la presse informatique), au théâtre Vivian Beaumont du Lincoln Center de New York, le 23 juillet 1985. ![]() Le Lincoln Center (vue extérieure) Commodore acheta la société Amiga Inc. en août 1984 car celle-ci détenait un potentiel trésor : un prototype d'ordinateur, le Lorraine, aux spécificités jamais vues. Ce produit était idéal pour faire entrer Commodore dans l'ère des ordinateurs 16/32 bits. Après l'achat, l'équipe d'Amiga Inc. fut relogée dans des locaux spacieux à Los Gatos, dans la banlieue de San José, en Californie. La machine fut renommée "Amiga", et avec l'aide financière et technique de Commodore, son développement put être achevé. Dans le détail, le cahier des charges ne fut pas complété à 100% (notamment au niveau de la ROM Kickstart qui devait se charger via une disquette au lieu d'être incorporée dans une puce) mais le temps tournait et il fallait sortir la "bête" pendant qu'elle était encore innovante. Gail Wellington, chef des opérations logicielles à Commodore au Royaume-Uni, fut désignée par COmmodore pour coordonner le travail des équipes Commodore de la côte Est et de la côte OUest et aussi organiser l'événement de lancement de l'Amiga. Pendant les cinq dernières semaines précédant le lancement de l'Amiga, elle fit plusieurs fois le trajet en avion, de Los Gatos (siège de Commodore-Amiga Inc.) à New York, pour rencontrer des représentants de Caribiner International. Cette dernière était la société engagée par Commodore pour produire l'événement de lancement de l'Amiga au Lincoln Center et Gail Wellington était activement impliquée dans la coordination et la planification de l'événement. Ambiance Comme il est de coutume aux États-Unis, les grosses entreprises inondent les médias d'invitations pour le lancement de leurs nouveaux produits. Mais Commodore ne fit pas dans la demi-mesure. Le constructeur choisit New York et son Lincoln Center, un centre culturel multi usage accueillant des millions de spectateurs par an. ![]() Le Lincoln Center (vue de l'intérieur) ![]() RJ Mical bien accompagné Amiga en première mondiale Le vice président du secteur commercial de chez Commodore, Robert Truckenbrode, s'adressa en premier à l'audience en tant que maître de cérémonie : "Tonight, it's the world premiere of Amiga" (ce soir, c'est la première mondiale de l'Amiga). Il laissa rapidement sa place à Robert Pariseau, le chef de l'ingénierie logicielle. ![]() Robert Truckenbrode ![]() Robert Pariseau Les démonstrations La GUI La première démonstration fut celle de l'interface graphique du système, le Workbench, avec ses fenêtres, ses icônes et ses préférences. Cela afin de mettre en évidence que "sur Amiga, c'est l'utilisateur qui gère le système, pas l'ordinateur". ![]() Textcraft est le premier traitement de texte de l'Amiga. Son interface est entièrement graphique avec des menus et des icônes colorées, et non de simples textes comme sur Word ou Word Perfect sur PC. ![]() Robert Pariseau poursuivit avec les capacités graphiques de l'Amiga : affichage d'une image en 4096 couleurs, du jamais vu sur un ordinateur personnel. Une autre image, montrant la tête d'un babouin, fut affichée en 640x400, une résolution que l'industrie informatique n'égala qu'en 1987 avec le lancement du VGA (ou MCGA) par IBM. ![]() ![]() Une autre force de l'Amiga fut sa capacité à faire bouger les images, les sprites et les pixels. Les puces spécifiques de l'Amiga permirent de gérer sans mal la coloration de triangles en temps réel, sans asphyxier le processeur central. Les triangles se croisaient et leurs couleurs se superposaient sans que la machine connaisse de ralentissement, à un rythme constant de 30 images par seconde. ![]() Le système de l'Amiga est un "vrai" multitâche. C'est ce que l'on appelle le multitâche préemptif, chose que les autres systèmes d'exploitation grand public ne connaitront pas avant la décennie 1990, voire 2001 pour Mac OS X. L'exemple du multitâche fut ici l'utilisation simultanée d'une fenêtre faisant défiler du texte, d'une application de tri, d'un affichage de graphiques et d'un traitement de texte. L'autre exemple pour le multitâche fut l'affichage de deux graphiques (l'un en barre et l'autre en camembert) issus d'une même série de statistiques. L'utilisateur pouvait ainsi passer de l'un des graphiques à l'autre en cliquant sur un simple bouton : le multitâche faisait gagner du temps à l'utilisateur. ![]() Robert Pariseau passa du graphisme au son. Il annonça que l'Amiga disposait de quatre canaux audio qui pouvaient être utilisés indépendamment et en laissant le processeur tranquille. On pouvait transformer le clavier de l'Amiga en piano virtuel et lui faire jouer n'importe quel son échantillonné, du tambour à la guitare électrique. Là encore, il faudra attendre des années pour que d'autres ordinateurs arrivent à ce niveau. ![]() Toujours concernant l'audio, Robert Pariseau mit en évidence une autre qualité de l'Amiga : la synthèse vocale. La machine commença à parler avec une voix d'homme puis de femme. La voix s'accéléra puis ralentit et enfin se mit à être monotone "comme un vrai ordinateur", selon les dires de l'Amiga lui-même. :-) ![]() Des animations, qui faisaient appel à la fois aux capacités graphiques et sonores de l'Amiga, ont été montrées. Il y eut une animation avec un oiseau traversant l'écran en criant et aussi une animation nommée "Robo-City" qui permettait de voir les possibilités de l'Amiga en matière de collision de sprites : chaque personnage, représenté par une grosse brosse animée, interagissait avec les autres éléments de l'animation. ![]() Robo-City A ce moment-là, Robert Pariseau résuma la situation. Le marché des ordinateurs montrait des signes de standardisation du côté des PC de chez IBM. Et il était difficile de lutter contre une technologie bien ancrée. Il fallait donc à Commodore Amiga être un cran au-dessus de tout ce que les gens avaient vu jusque-là. Mais pourquoi Commodore Amiga ne pourrait pas inclure cette vieille technologie sur Amiga ? C'est ce que dit Robert Pariseau en brandissant une disquette contenant le premier émulateur PC pour Amiga : Amiga Transformer. Une disquette PC DOS 5,25 pouces fut introduite dans un lecteur de l'Amiga, puis remplacée par la disquette du tableur 1-2-3 de Lotus. L'aspect monochrome tranchait avec les démos extraordinaires qui venaient d'être présentées. ![]() La démo de la Boing Ball (ou Bouncing Ball d'après Robert Pariseau) clôtura cette présentation. Cette démo fut le premier programme montré au public, au salon CES en janvier 1984, sur le prototype de l'Amiga (Lorraine). Robert Pariseau conclut alors : "Nous vivons vos rêves, et nous les voyons prendre vie. C'est maintenant à votre tour. Que ferez-vous avec l'Amiga ?". ![]() Après l'intervention technique de Robert Pariseau, la cérémonie se poursuivit avec l'arrivée sur scène de deux artistes : le peintre, cinéaste et graphiste Andy Warhol et la chanteuse Deborah Harry. ![]() Dans les coulisses, attendant leur tour : Deborah Harry (chanteuse), Andy Warhol (artiste), Thomas Rattigan (Commodore) et Roger Powell (musicien) Dans son journal intime, Andy Warhol écrivit ceci : "La journée commença avec une certaine appréhension, car je me suis réveillé en pensant à mon apparition en direct pour les ordinateurs Commodore. Rien ne fut pire pour un réveil, je me sentais terrifié. Commodore voulait que je sois un porte-parole. C'est une machine à 3000 $ qui est comme la machine d'Apple, mais qui peut faire 100 fois plus." ![]() Le logiciel utilisé était ProPaint, mais celui-ci n'était disponible que dans une version alpha qui contenait des bogues. L'un d'eux concernait la fonction de remplissage qui n'utilisait pas les techniques des puces graphiques démontrées précédemment. Le logiciel pouvait planter à n'importe quel moment. Alors que le visage de Deborah Harry apparaissait sur l'écran, Andy Warhol parcourait les menus de ProPaint afin de choisir les effets et les couleurs à appliquer. Les ingénieurs de Commodore avaient indiquer à Andy Warhol de ne pas utiliser cette fonction mais l'artiste l'utilisa quand même, et l'Amiga ne planta pas. Ady Warhol indiqua avoir été nerveux toute la journée et à se dire que s'il pouvait devenir bon dans ce genre de choses, il pourrait gagner de l'argent de cette façon et qu'il n'aurait plus à peindre. ![]() Andy Warhol et Jack Hager ![]() Andy Warhol et Deborah Harry ![]() Le résultat du travail d'Andy Warhol sur ProPaint Les réactions d'après cérémonie Les réactions après la présentation de l'Amiga furent nombreuses. Le public était reparti impressionné mais cet enthousiasme fut plus mitigé dans la presse, bien que l'avis général resta positif. La revue américaine Info écrivit : "Le 23 juillet 1985 : si vous vous intéressez à l'histoire, vous vous rappellerez certainement cette date : c'est le jour où les PC d'IBM et les Mac d'Apple et beaucoup d'autres merveilles de notre décade sont devenus obsolètes." L'article du magazine Fortune résumait cela : "Alors que les premiers articles se focalisent sur les capacités techniques de l'Amiga, l'industrie du PC a appris à résister aux lueurs scintillantes des technologies avancées dans son propre intérêt." Le journaliste Louis Wallace décrivait la situation ainsi : "Pour vous donner une idée de ses capacités, imaginez que vous prenez tout ce qu'il y a de bien dans un Macintosh, combinez le avec la puissance de l'IBM PC-AT, améliorez le, et ensuite réduisez le prix de 75%." Enfin, une publicité de Borland dans le magazine Amiga World : "La vitesse de l'Amiga va devenir une migraine, une douleur et un vent debout dans la compétition." Note : la vidéo de cette présentation de l'Amiga est disponible sur obligement.free.fr/videos/amiga_premiere_newyork.mp4.
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