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Les journalistes de Tilt sont des héros ! Ils n'ont pas hésité à plonger dans la m...ission qui leur était confiée, à dresser un (s)catalogue de l'horreur, bref à affronter la Flop Connection, l'organisation qui étend ses tentacules glauques et purulents chez tous les éditeurs de logiciels. Le combat a été rude. Mais munis de masques à gaz et de bottes de caoutchouc, la fine fleur de la presse micro française (rassurez-vous, nous avions pris des bottes larges) a démasqué les artifices utilisés par les éditeurs pour vendre des logiciels dont le seul nom fait aujourd'hui frémir. Qu'est-ce qu'un flop (échec) ? Comment l'identifier à coup sûr ? Tilt répond... La masse des jeux Environ mille cinq cents jeux sont distribués chaque année en France. Et pourtant, si on faisait le point des genres disponibles sur votre moniteur, on ne dénombrerait pas plus d'une quinzaine de types de jèux fondamentalement différents. Ce décalage pose question : comment faire pour ne pas lasser le public, comment vendre, mois après mois, des jeux qui se ressemblent finalement beaucoup trop ? Les techniques sont nombreuses. Nous les avons étudiées une à une dans ce dossier. Utilisation des grands succès arcade, notoriété d'un héros de bande dessinée ou de cinéma, adaptation ou clonage d'un titre fameux, ces recettes ne sont malheureusement pas toutes efficaces. Pire encore, elles donnent bien souvent naissance à des échecs dont nous sommes, en tant que joueurs, les principales victimes. Bilan : un très grand nombre "d'arnaques" et des joueurs qui se laissent trop souvent aveugler par leur passion ! L'arcade, la base La base du jeu micro-informatique, c'est l'arcade. Les flippers puis les premières "machines de café" ont abordé le domaine micro-ludique par un biais sélectif, l'action. Pour beaucoup de fous de la manette, l'histoire a alors commencé dans les salles d'arcade. Ce marché florissant devait très vite dépasser le cadre de la rue pour rejoindre la chambre, le bureau... sous la forme d'un micro ou d'une console. Aujourd'hui, l'action demeure assurément le fer de lance de la micro-ludique : une production qui représente près de 70% de l'ensemble du secteur logiciel ludique et surtout des joueurs qui, bien plus que dans tous les autres domaines, affichent une passion extraordinaire pour leur hobby. Exemple, la polémique explosive sur 3615 Tilt au sujet de Sword Of Sodan (nous parlerons de ce jeu plus loin...). Une passion, un combat qui serait impossible dans un autre domaine que l'action ! Pour les distributeurs, il s'agit de ne pas lâcher le morceau, d'exploiter à fond le succès que connaît l'action en général et les salles d'arcade en particulier. Les adaptations sur micro des grands succès de l'arcade représentent, de ce fait, une source sûre en matière de profit... C'est la première recette qui motive les distributeurs de jeux. Particulièrement onéreuse, cette technique de choix ne produit pourtant pas que des incontournables. Il existe aussi l'échec de l'adaptation manquée... L'adaptation d'un jeu arcade sur un micro repose sur deux aspects : le respect de l'ambiance du jeu et des possibilités techniques de la machine. Premier point, l'ambiance. Le joueur arcade qui a vidé sa tirelire pour sa machine préférée connaît le jeu par coeur. Pas un pixel qui n'échappe à l'oeil du célèbre Alain Huyghues-Lacour lorsqu'il joue à Thunderblade ! On comprend aisément l'angoisse du fou d'action lors de la sortie du titre sur micro. Et bien souvent, c'est l'échec ! Les raisons de l'échec : d'une part la technique (adaptation irréalisable compte tenu des possibilités de la machine), d'autre part, et c'est bien le plus grave, le manque de sérieux de certains distributeurs. Côté technique, la différence entre les possibilités d'une machine arcade et d'un Amstrad CPC est considérable. Mais même pour le ST ou l'Amiga, le pari est souvent insensé. Thunderblade est presque injouable sur ces machines. La notion de relief et de profondeur, le nombre de sprites, d'explosions et surtout le maniement de l'appareil sont bien trop complexes et fouillis sur micro. La déception est d'autant plus grande que les joueurs sont des passionnés. Pour eux (pour nous...), c'est un peu la loi du tout ou rien. Le titre sur micro est immédiatement comparé à la version arcade, et dans ses moindres détails. Alors pourquoi adapter un titre sur micro lorsque l'on sait pertinemment que la machine est incapable de traduire l'ambiance du jeu ? Une histoire de gros sous, bien sûr ! ![]() Thunderblade Seulement voilà, de nombreux éditeurs sont sur la ligne de départ et seul le premier arrivé remporte la part du gâteau. Pour preuve de cette course contre la mort, des enchères qui évoluent entre 800 000 FF et 3 000 000 FF ! Il faut alors se dépêcher pour éviter qu'un concurrent ne sorte un clone avant vous... Alors, tant pis pour le défilement qui aurait pu être plus fin, on pioche une routine dans un titre précédent et en avant la musique ! A cette triste logique, nous devons, entre autres, quelques échecs arcades bâclés. 1943 sur Atari ST ou C64 n'est que la piètre imitation du fabuleux titre du même nom sur machine arcade. Les avions sont carrément ridicules et l'animation est si rapide que le réalisme de la version arcade est complètement noyé dans l'action. En fait, les concepteurs de ces jeux ne tiennent pas compte de l'univers de la machine sur laquelle ils travaillent. A se demander s'ils testent eux-mêmes les jeux qu'ils ont créés ! C'est en définitive la simplicité d'un jeu qui lui permet souvent de ne pas souffrir de son adaptation arcade/micro. Pac-Mania met en place un graphisme relativement simple, peu de sprites et en tout cas très peu d'effets spéciaux (explosions, notion de vitesse, gros sprites). Son adaptation sur micro est du même coup une parfaite réussite, et ce sur toutes les machines actuelles. ![]() Pac-Mania Lorsque l'on voit R-Type sur Nec ou Thunderblade sur Sega 16 bits, il y a vraiment de quoi revendre son ordinateur 8 bits ou partir au bord de la mer ! L'action, force majeure du domaine micro-ludique, risque ainsi de contribuer très bientôt à la chute des ordinateurs 8 bits. Puisque le niveau technique des machines croît sans cesse, on peut penser que les prochaines adaptations arcade, sur CPC par exemple, seront toutes des échecs. Mais encore faudrait-il que les éditeurs prennent le temps d'exploiter à fond les possibilités des ordinateurs 16 bits et consoles. On n'y est pas encore. 250 FF pour Thunderblade sur Atari ST, c'est combien de "vraies" parties en salle d'arcade ? Posez-vous la question avant de suivre le tapis de dollars qui mène à la boutique de votre revendeur préféré ! Qui aime bien choisit bien... Empaquetage, la poudre aux yeux Dans la marmite du créateur, une deuxième recette qui a fait chou blanc ces dernières années mais qui est toujours utilisée : l'empaquetage, tout droit venu des États-Unis pour appâter le joueur friand ! Emballage en forme de boîte de balles de tennis, disproportionné, objet fétiche ou poster, les "plus" qui accompagnent votre jeu apportent-ils réellement quelque chose ? Tout dépend en fait du jeu en lui-même. La série des Bob Morane fut décevante à long terme. Que faire alors du maigre roman interactif ou de la BD format de poche qui accompagnaient le jeu ? Qui les a lus, qui les a conservés ? Disquette et notice mises à part, qui se préoccupe des éléments extérieurs au jeu, s'ils n'apportent rien à l'aventure ? Dans le cas de Bob Morane, le seul impact est publicitaire : "un jeu, une BD, un roman,...", un message qui n'a vraiment pas fait fureur, Dieu merci ! Et pour cause, Bob Morane est un jeu d'action. Quel rapport avec le roman/rôle fourni dans la boîte. C'est mal connaître le fossé qui existe entre les assoiffés d'action et les fous de Donjons et Dragons. Il s'agit pourtant d'une astuce commerciale, d'autant moins acceptable que le jeu est petit... Dans le même ordre d'idée, les pièges sont souvent dans la boîte ! Il y a tout d'abord les photos d'écran issues d'autres machines. Il y a quelques années, nous condamnions cette pratique illicite. Maintenant, les concepteurs écrivent, pour un jeu sur CPC par exemple, "écrans de la version Amiga" en petits caractères. Honnête ? A moitié ! Allez déchiffrer cela à travers la vitrine ou lorsque la passion annihile tout sens critique... Les notices font, elles aussi, partie de la sauce qui fait passer les mauvais plats. Combien de jeux d'action minables présentent leur scénario comme une quête aussi complexe que celle d'Elite ? Dans le même domaine mais pour un résultat cette fois bien meilleur, la voiture qui accompagne la disquette de Turbo Cup innove en matière d'empaquetage. Interrogé sur la puissance de ce "coup", Loriciels admet ne pas bien estimer l'impact réel de l'objet. Et pour cause, le jeu est suffisamment bon pour se suffire à lui-même. On reste pourtant muet sur le prix de revient de la petite voiture... mais on se déclare prêt à renouveler l'opération ! Cela signifie-t-il qu'une petite voiture peut faire vendre un simulateur de conduite sur micro ? Étonnant ! ![]() Turbo Cup Quoi qu'il en soit, l'empaquetage n'a pas un impact réel sur la vente. Rien à voir avec l'étiquette arcade ou la publicité issue des reprises BD ou ciné traitées plus loin. La conclusion est immédiate. Faites tout ce que vous voulez pourvu que le jeu soit bon. De toute façon, c'est de la poudre aux yeux ! Adaptation BD, sois belle et tais-toi Avec les adaptations issues de la BD, l'affaire se corse. Le procédé fait recette depuis un certain temps et le malheureux joueur ne s'y retrouve que rarement. Nous avons assisté à une avalanche d'adaptations BD qui, sans être nulles, ne tirent pas le parti espéré de la célébrité de leur personnage principal. Il y a tout d'abord les jeux pour qui ce personnage n'est que le support d'un jeu sans intérêt. Bob Morane est l'un des premiers exemples de l'échec BD. On a accumulé les gaffes dans cette série de quatre épisodes. Fenêtres de jeu ridiculement petites, absence de défilement et saut d'images et surtout intérêt du jeu démoralisant à long terme, Bobby n'aurait jamais dû quitter son cher papier ! Plus récemment, une préversion de Tintin a pris la suite. Ici, le cas est intéressant ayant acheté les droits à Hergé (pas seulement une poignée de dollars...), les concepteurs se sont vu contraints de respecter à la lettre le dessin original. Tant, de carrés sur la fusée, tant de poils à la barbe de Haddock... Superbe, mais de quoi bouffer toute la mémoire de votre malheureux ST et tout le temps des programmeurs. En fin de compte, cette préversion est très belle, très proche de la BD mais l'action et la stratégie sont beaucoup trop fades. Il ne reste plus qu'à espérer que la version définitive va tirer leçon de cette triste fatalité qui veut que les jeux soient plus beaux qu'intéressants. En fait, seul le domaine de l'aventure ne se sort pas trop mal des embûches de l'adaptation BD. Pour Les Passagers Du Vent, le jeu traduit assez bien l'ambiance de la BD. Même dessin, même atmosphère (sur Atari ST, Amiga ou PC EGA), l'affaire est dans le sac et l'impact publicitaire marche à merveille. Mais là encore, on peut se poser la question du prix de revient d'une telle configuration jeu + BD. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Non, si l'on se rapporte à l'intérêt pur et simple de la partie. ![]() Les Passagers Du Vent Car c'est là le fond du problème. Les amateurs de BD seront toujours déçus par le rendu de leur album préféré sur micro. Puisqu'il est impossible de rendre l'effet d'un gag à la Franquin sur un moniteur, doit-on insister parce qu'on est à court d'arguments, à court d'idées ? L'adaptation BD reste trop souvent un prétexte, un argument de vente exploitant la popularité du personnage. Roger Rabbit, arrête ton cinéma La machine à échec se déchaîne dès que l'on parle de cinéma. Le ciné, c'est la publicité bien sûr, les grands noms comme Rambo qui assurent dès départ au programme adapté un chiffre d'affaires conséquent. Cette facilité est alléchante. Dès la sortie d'un film "gagnant", c'est la course aux droits d'exploitation. Le département de chaque compagnie prospecte le terrain de chasse, examine le nombre d'entrées... Rien d'anormal, sauf si le résultat est nul ! Les succès, en termes d'intérêt du jeu et non de bénéfices, se comptent malheureusement sur les doigts de la main. Les gagnants sont assurément Platoon et RoboCop. Le jeu est bon dans les deux cas, suffisamment varié à long terme et le climat de l'aventure a été respecté. Prenons maintenant un contre-exemple, l'inoubliable Roger Rabbit, plus bel échec de ce début d'année ! On retrouve ici les mêmes problèmes que ceux de l'adaptation BD. Prenez un personnage célèbre qui a connu une campagne publicitaire de plusieurs millions de francs, prenez un film qui, techniquement, est un événement formidable et, qui plus est, s'apparente à la micro (utilisation de l'ordinateur lors de la création du film) et mélangez le tout... N'est-on pas en droit d'attendre de cette prestigieuse recette un jeu innovateur, puissant. à la pointe de toutes les techniques actuelles ? Rien du tout ! Roger Rabbit nous arrive après six minutes de chargement pour mener une aventure trop rapide, trop difficile et bien trop répétitive... un vrai scandale ! Et une preuve supplémentaire de l'emprise commerciale sur le domaine micro-ludique. Mais, finalement, ce n'est pas la nullité du jeu qui est exaspérante, mais le battage fait avant sa sortie. Un logiciel peut être moyen, mais alors qu'on ne nous rebatte pas les oreilles avec le soi-disant événement qu'il représente. Plus le héros est populaire, au ciné, en BD, etc. plus sa chute, si c'est échec, sera douloureuse ! C'est un phénomène classique dont on devrait tenir compte lors de la réalisation de programmes aux titres aussi prestigieux... La raison majeure de ces échecs est, comme pour la BD, la disproportion entre la réalisation technique du jeu et l'élaboration de son scénario. Graphiquement, les programmeurs font des prouesses. Le Livre De La Jungle, sorti depuis peu sur Atari ST, offre au joueur des personnages très proches du film. Le dessin est clair, l'ambiance est au rendez-vous. Mais essayez de jouer à ce jeu plus de cinq minutes. Mis à part les plus jeunes qui prendront plaisir aux classiques collectes d'objets et aux batailles à coup de bananes, le passionné de R-Type va se ronger les ongles. Pour Roger Rabbit, alors que la musique est si prenante et le personnage si bien rendu, comment expliquer, par exemple, la platitude de l'épreuve du cabaret ? Tourner autour des tables pour collecter, le plus souvent au hasard, des menus qui réapparaissent aussi vite, vous parlez d'une trouvaille ! D'où la question : cette platitude est-elle due à un manque d'effort ou à un manque d'imagination ? Je préférerais encore le premier cas ! ![]() Who Framed Roger Rabbit Faut-il brûler les ordinateurs 8 bits ? Une nouvelle race d'échecs, les adaptations d'un même titre sur plusieurs micros. Batman ST perd ses billes sur CPC et, plus grave, Platoon passa d'un incontournable à un échec entre C64 et ST ! L'évolution technique du monde de la micro creuse de véritables fossés entre les machines anciennes et les toutes dernières révélations. Pour déceler l'échec et évaluer l'intérêt d'un programme en toute objectivité, nous devons donc tenir compte de deux facteurs : la valeur ludique du jeu et surtout l'exploitation qui est faite des possibilités de la machine. Jetez un coup d'oeil sur R-Type version CPC et console Nec 16 bits par exemple... C'est la machine à vapeur face au nucléaire ! R-Type est pourtant bien noté sur CPC parce que, pour un CPC, le résultat est ludique... mais rien à voir avec le Nec ! Alors, faut-il brûler les ordinateurs 8 bits ? La question aurait été rapidement réglée, si on avait pu prouver que toutes les versions 8 bits étaient inférieures à leurs consoeurs 16 bits. Or ce n'est pas le cas ! L'échec existe dans les deux sens. Où est l'erreur ? Là encore, c'est le classique équilibre technique/ludique qui est rarement respecté. Un jeu comme Batman sur Atari ST tire 50% de son intérêt de la vitalité de son animation et de la variété de ses graphismes. Le personnage sur Atari ST est assez grand et on peut reconnaître les objets que l'on ramasse sans aucune hésitation. Adapté sur CPC en trois couleurs et demie pour des sprites piteux et des indices méconnaissables, le résultat ne peut être que décevant. Il aurait fallu modifier le contenu du jeu (quitte à conserver l'essentiel), ou admettre l'adaptation "techniquement impossible". Ce qui manque le plus souvent aux équipes de programmeurs, c'est une sensibilité de la machine. Pour R-Type, l'adaptation sur CPC était un pari fou. D'accord, mais c'est quand même une réussite. Les couleurs sont nulles, et le jeu est assez lent, mais on retrouve exactement la même stratégie, la même difficulté que dans les versions antérieures, en un mot la même ambiance. Il s'agit là d'une adaptation intelligente car elle tient compte tout autant du jeu que de la machine. A l'inverse, le cas de Bionic Commando, dont seule la version CPC est un échec, traduit bien une erreur de programmation, un non-respect du joueur amstradien. Si la technique excuse parfois l'échec dans le sens 16 bits adaptés sur 8 bits, le cas inverse est alors quasiment honteux et incrimine encore plus directement les programmeurs ou concepteurs. Avoir à la base un bon programme sur ordinateurs 8 bits et le saccager sur Atari ST ou Amiga, c'est aller à l'encontre de l'évolution logique de la micro-ludique. C'est aussi se moquer complètement du joueur ! Platoon, le guerrier au fusil-mitrailleur, mène sur C64 une bataille très stratégique et pleine de vitalité. Imaginez l'attente des amateurs lorsqu'on annonce la version Atari ST du programme. Je cale le fusil à l'épaule et avance prudemment... Soudain, Bahmmm ! Une balle qui vient de l'extérieur de l'écran. Impossible à prévoir et donc illogique et anti-ludique ! Le jeu est foutu... L'éternelle question se pose une fois de plus. Les responsables de cette adaptation ont-ils vraiment testé le jeu ? Les impératifs commerciaux et l'assurance qu'un tel titre sur Atari ST allait se vendre ont-ils eu raison de leur conscience professionnelle ? En tout cas, c'est le joueur qui fait les frais de ces maladresses, qui se retrouve avec 200 FF de moins dans son porte-monnaie et une envie de tirer, pas seulement sur les sprites ennemies de son ex-jeu préféré ! Les exemples d'échecs en adaptations entre machines sont malheureusement trop fréquents. On pourrait aussi citer Wizard Warz, très mal adapté sur Atari ST et Amiga ou Faery Tales massacré sur C64, alors que la version Amiga était géniale. ![]() Wizard Warz Rambo version 27 Une recette, oui, mais une recette qui marche très souvent... La micro n'échappe pas à la règle des suites et des clones. Comme dans le domaine du cinéma, les titres fameux donnent naissance à des rejetons tout prêts à profiter de la renommée de leurs grands frères. Mais là, surprise ! Alors que sur le grand écran, les suites prennent presque systématiquement la pente cruelle de l'échec, la micro se tire mieux d'affaire. Qu'il s'agisse d'action avec Rambo, de simulation avec Crazy Cars ou de jeu de rôle avec Wizardry par exemple, la deuxième version d'un bon jeu sait généralement tirer parti de l'expérience de son aîné. Dans le domaine de l'action, c'est Rambo qui marque le mieux l'évolution de ces suites. De Rambo I à Rambo III, l'aventure/action gagne non seulement une nouvelle intelligence stratégique mais c'est carrément tout le décor qui évolue, de la jungle aux pièces multiples d'une base ennemie. Même chose en ce qui concerne la simulation. L'évolution de Crazy Cars entre ses versions I et II témoigne vraiment d'un travail important de la part des programmeurs. Dans un premier temps, ceux-ci ont mis en place une action très belle. Avec Crazy Cars II, on retrouve la beauté du premier titre enrichie d'une stratégie passionnante qui permet au joueur de choisir sa route sur un réseau complexe. Impossible, là encore, de regretter l'achat du premier ou du second jeu. Ils sont complémentaires, tout à la fois proches et différents. Il n'y a pas d'arnaque puisque le deuxième titre conserve les qualités du premier et qu'il déculpe l'intérêt de la simulation. ![]() Crazy Cars 2 Tout comme les logiciels utilitaires, les nouvelles versions d'un titre correspondent souvent à une remise à jour des performances du jeu, ce qui est toujours bénéfique pour le joueur. Il faut tout de même noter l'exploitation parfois exagérée de certains grands succès. Chez Epyx, la série des Games s'est incroyablement étendue (Summer Games I et II, Winter Games I et II, World Games, etc.). Même chose chez Sierra qui, tout en conservant un mode de jeu strictement identique, s'attaque au fil des jours à tous les grands thèmes de la vie ludique, lutte anti-aliens, drague, police, etc. Cette succession de programmes, au demeurant fort bien réalisés, risque un jour ou l'autre d'agacer les amateurs les plus acharnés. Attention à la chute, il serait dommage de clore la série sur un échec ! Cette bonne santé des jeux-suite témoigne néanmoins d'un manque d'imagination chronique chez les scénaristes. Les programmeurs ne prennent pas beaucoup de risques. Une formule marche bien, on la conserve en y incluant quelques "plus" et le tour est joué ! Selon la théorie de l'algorithme cher à Mathieu Brisou (en matière de programmation, on appelle algorithme l'enchaînement de règles et d'ordres qui trace l'ossature d'un jeu), il existe ainsi bien peu d'algorithmes différents pour toute la production micro-ludique actuelle. Quel que soit le genre étudié (aventure, action, etc.), on retombe très vite sur des séquences globalement similaires. Ces séquences, ou algorithmes, sont par exemple le défilement et la gestion des sprites pour les jeux de tir, les analyseurs de syntaxe pour l'aventure, etc. Cette rigidité est assurément le pire ennemi du joueur. C'est elle qui bride l'imagination du programmeur et le pousse à travailler avant tout la technique (beauté des graphismes, rapidité de l'animation) plutôt que de soigner le contenu du scénario. A la base de cette triste réalité, le problème des clones rivalise avec celui des échecs. Clones et procès Un clone est un nouveau programme étrangement similaire à un jeu déjà existant. Comme pour les suites, les clones font pourtant rarement des échecs. Mais attention, qui dit clone dit procès, gros sous, et série noire digne des plus gros trafics ! A la base de ce business, les géants de l'action et de l'arcade. Deux exemples pour illustrer cette guerre du jeu. Le célèbre R-Type, tout d'abord, qui possède une renommée arcade énorme. Tandis qu'Activision travaillait sur l'adaptation de R-Type sur micro, Katakis, un clone-fameux, est sorti des laboratoires de Rainbow Arts et a été commercialisé en Allemagne. Katakis "pompait" directement toutes les routines de R-Type. ![]() Katakis Autre cas plus cruel encore, celui de Great Giana Sisters issu d'un copiage parfait du scénario de Super Mario Bros de Nintendo. A la suite du procès intenté par Nintendo, toutes les versions de Great Giana Sisters furent interdites à la vente dans le monde entier. Plus encore, la deuxième version qui était déjà sous presse chez Rainbow Arts ne verra jamais le jour. Ces échecs de série noire ont un fort impact sur la vie d'un joueur. Dans le dernier cas, par exemple, non seulement un grand nombre de manettes ne connaîtront jamais cette merveille que fut Great Giana Sisters mais, en outre, Super Mario Bros ne sera pas a priori commercialisé sur d'autres micros que les consoles. Tant pis pour tous les possesseurs de ST ou d'Amiga, amateurs du genre ! ![]() Great Giana Sisters Au-delà de toutes ces ruses et astuces, le monde de la micro-ludique est également malade de l'intérieur. Un nouveau mal le ronge, qui peut également s'apparenter à une recette de vente. Il s'agit d'impressionner le joueur à l'écran, sans pour autant motiver un tant soit peu ses petites cellules grises. La micro-ludique manque d'originalité, d'imagination, souffre de pauvreté ludique. Quel que soit le domaine ludique étudié, l'effort des programmeurs semble en effet plus porté sur la réalisation technique d'un logiciel que sur son contenu. L'évolution rapide des machines et l'impact de la qualité des jeux de salles d'arcade auprès des joueurs posent certaines priorités. Les logiciels qui sortent actuellement sur Atari ST ou Amiga sont en grande parue jugés sur leurs qualités graphiques. Il semble que la prouesse "pixellienne" soit "le" critère actuel de sélection d'un bon jeu, tout au moins dans la tête des distributeurs et dans celle de nombreux joueurs. En réalité, les jeux qui ne possèdent pas cette qualité sont presque toujours des échecs. On ne pourra pas éternellement supporter des Bionic Commando modèle CPC ! Mais le plus grave, ce sont les échecs qui ne possèdent que cette qualité "écran". L'équilibre technique/ludique est de nos jours plutôt précaire... Première constatation, l'exploitation maximale des possibilités techniques d'une machine ne se fait jamais dans l'année qui suit sa mise en vente. Pour le ST et l'Amiga, certains se demandent même si on l'atteindra un jour. Si les programmeurs de l'Apple II ou du Spectrum maîtrisent aujourd'hui parfaitement leur machine (il n'y a qu'à voir Karateka sur Apple ou The Way Of The Tiger sur Spectrum), on ne peut pas en dire autant en ce qui concerne l'Amiga ou le ST. Mais là encore, ce n'est pas qu'une simple question de connaissances. A la sortie de Prohibition sur Atari ST, tous les joueurs se sont demandé pourquoi trois couleurs seulement étaient disponibles à l'écran ? Le manque de travail est très certainement à l'origine de cette aberration. On note aussi de très nombreux scandales : Faery Tale qui n'exploite aucune des possibilités du Commodore 64 ; Thexder, très décevant sur Amiga ; ou After Burner injouable sur Atari ST (les droits d'adaptation ont quand même coûtés deux millions de francs !). Autant de jeux qui n'utilisent pas la moitié des possibilités des machines sur lesquelles ils sont édités. Il y a de ce côté-là beaucoup à faire. La contrepartie de cet état de fait est malheureusement tout aussi décevante. Car lorsqu'un programmeur maîtrise suffisamment sa machine, c'est l'aspect ludique, la fameuse jouabilité qu'il perd le plus souvent de vue... Sword Of Sodan est une réussite graphique indéniable. Sprites énormes, décors très purs et précis... Mais pourquoi ne pas profiter de cette qualité technique pour associer au jeu une mise en scène plus attrayante ? Pourquoi ne pas avoir, par exemple, ralenti les mouvements du combat ? ![]() Sword Of Sodan Les vices cachés Il est enfin les tares cachées, les handicaps honteux qui ne se dévoilent qu'après l'achat pour grignoter la jouabilité et briser l'intérêt d'un jeux a priori performant. Il ne s'agit pas celle fois de recettes de vente (ce serait du masochisme !) mais bien d'un incroyable manque de respect envers le joueur. Roger Rabbit, un jeu décidément plein de ressources, n'autorise son jeu qu'après quelques six minutes de chargement et pas moins de douze changements de disquette. La raison de ce phénomène est pourtant simple. Aux États-Unis, la grande majorité des possesseurs d'Amiga dispose de deux lecteurs de disquette. En France, c'est exactement l'inverse. Ne croyez-vous pas que quelques minutes de travail de la part d'un bon programmeur auraient suffi à contourner ce problème ? Merci pour nous ! Autre exemple un petit peu plus ancien, l'excellent Marble Madness sur Atari ST profite d'une gestion souris trop délicate qui rend le jeu difficile. Bien sür, il est possible de régler la sensibilité de la souris sur le ST mais pourquoi ne pas l'indiquer alors dans la notice du jeu ? Pour Titan, le dernier casse-briques de Titus, c'est carrément un progrès technique qui porte préjudice à l'action. L'animation des tableaux sur CPC est en effet d'une incroyable rapidité (Titus s'en vante dans la notice du jeu !). Ironie du sort, la plupart des testeurs qui se sont essayé à l'aventure ont eu le mal de mer au bout d'une minute de jeu ! On pourrait enfin citer les fenêtres de jeu trop petites (Batman) ou l'absence de défilement (saut d'image de Bob Morane)... Toutes ces lacunes sont d'autant plus graves qu'elles s'attaquent souvent à de bons programmes (Titan, Batman, Marble Madness). Il n'y a peut-être pas de quoi en faire un échec, mais suffisamment pourtant pour démotiver un grand nombre de joueurs ! Et là, on peut vraiment parler de faute professionnelle de la part des créateurs et distributeurs. Toutes ces constatations trouvent leur explication dans le déséquilibre qui existe de plus en plus entre la technique et la jouabilité d'un programme. Soit la technique supplante tout a fait l'originalité et l'aspect ludique (Dragon's Lair II), soit le jeu n'est pas suffisamment testé et conserve des tares peu plaisantes. Il serait temps que les éditeurs comprennent l'importance de l'originalité et de la jouabilité d'un produit... Un tout petit peu plus de crédit du côté de la scénarisation, davantage de tests, de la finition et l'affaire est dans le sac ! Les bonnes recettes Commençons avec l'action, le domaine ludique le plus porteur du monde de la micro. Les jeux d'action sont les principales victimes du déséquilibre technique/ludique. C'est une des raisons qui justifie le nombre important d'échecs en la matière. Dans l'avenir, on devrait pourtant réussir à renverser la vapeur, mais il faudra encore attendre un petit peu. Il existe deux problèmes majeurs à résoudre : le premier réside dans le support du jeu (support mémoire), encore trop restreint pour abriter tout à la fois un graphisme à la Dragon's Lair II et une jouabilité à long terme digne de Dungeon Masler. On pourra alors imaginer un logiciel qui mélange les genres sans diminuer l'intérêt de chaque phase de jeu... Le second problème engage directement la responsabilité des éditeurs. Il faut accorder plus de temps à la mise au point des scénarios, à l'étude globale de la jouabilité en faisant appel plus souvent à de véritables professionnels, les joueurs eux-mêmes ! Pour l'action, mais surtout en ce qui concerne l'aventure ou la simulation, de nouvelles techniques commencent à montrer le bout de leur nez. L'utilisation des modems devrait, dans un futur proche, offrir à tous les joueurs des combats en temps réel véritablement interactifs. Le principe est déjà appliqué à quelques simulateurs de vol et jeux de stratégie mais il devra encore être étendu. Il faudrait enfin se mettre à recruter de bons scénaristes et à faire appel à toutes les bonnes volontés. Face à l'aventure par exemple, l'action manque plus que jamais d'idées nouvelles. Combler ce déficit par des prouesses techniques, toujours plus impressionnantes, ne suffira pas. La micro-ludique cherche son deuxième souffle. Espérons qu'elle le trouvera bientôt ! La conclusion de ce dossier des mille et une recettes "flopesques" n'est pourtant guère encourageante. Dans l'imbroglio des techniques commerciales et publicitaires, le joueur ne semble pas toujours très sûr de son jugement. Il peste souvent sur la pauvreté du cru micro-ludique mais plonge facilement sa manette dans le premier échec venu, pourvu qu'il ait un rapport avec le ciné, qu'il soit issu d'un grand succès arcade ou que quelques publicités ou tests de préversion en aient vanté les prouesses graphiques. A 200 FF minimum le programme, c'est dur ! Si Tilt a toujours fait son possible pour dénoncer ces ruses, c'est pourtant le joueur qui a toujours le dernier mot ! Seule votre volonté aura un jour raison de la "flopomania". Pour renverser la vapeur, c'est simple... il suffit de ne plus les acheter ! A vous de jouer.
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