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![]() ![]() Hello, je suis Franck Sauer, j'ai 44 ans et je suis passionné par la création de jeux vidéo depuis toujours. J'ai commencé ma carrière professionnelle dans le développement en tant qu'artiste voilà bientôt 27 ans, et j'ai élargi mon champ d'application depuis puisque aujourd'hui je travaille régulièrement comme "technical artist", je programme également mon propre petit jeu et j'enseigne depuis 10 ans ces matières ainsi que l'histoire du jeu vidéo à la Haute École Albert Jacquard de Namur. Ce qui me plait le plus dans le développement de jeux, c'est justement cette combinaison de savoir-faire technique et artistique, en particulier dans le cadre des projets indépendants, où on est obligé de savoir faire un peu de tout, alors que dans les grosses productions on se cantonne à un seul rôle très pointu. J'ai eu l'occasion de travailler dans les deux contextes, mais je m'épanouis plus dans les productions à taille humaine. Mes passe-temps sont la musique et plus récemment l'électronique. Je compose de la musique depuis des années, principalement pour le plaisir, bien qu'il me soit arrivé de faire quelques musiques pour des jeux commerciaux et j'ai actuellement un projet d'album en cours de composition pour un jeu développé par un ami. L'électronique, c'est arrivé bien plus tard. Il y a un peu plus d'un an, avec trois amis nous avons créé le premier "hackerspace" de Namur. C'est un club où on se réunit (une dizaine de personnes régulières) pour développer des projets qui combinent différentes technologies logicielles et matérielles dans un but artistique ou créatif. Si vous voulez voir à quoi cela ressemble, jetez un oeil sur notre site : www.incubhacker.be ![]() Mon premier ordinateur a été le Ti-99/4a de Texas Instruments. Sorti en 1981, j'ai acheté le mien en 1982 et très vite je me suis intéressé aux graphismes. On pouvait directement programmer en BASIC et j'ai commencé à développer de petites applications visuelles, des images et de petites animations. Il n'y avait aucun éditeur ou outil graphique, c'était donc juste de la programmation. Il fallait dessiner les pixels sur du papier millimétrique, puis les regrouper par paquet de 8 pixels pour faire un byte, puis encoder ça dans le programme. C'était fastidieux, mais magique. ![]() J'avais entendu parlé de l'Amiga à travers les nombreux magazines que je lisais régulièrement. Mais c'est dans une boutique que j'ai vu pour la première fois un Amiga 1000 avec la démo du jongleur ainsi que Defender Of The Crown. Malheureusement, je n'avais pas encore les moyens de me l'acheter et j'ai dû attendre 1987 pour acheter un des premiers Amiga 2000 de Belgique. Les possibilités d'extensions de l'A2000 m'avaient séduites, et comme je me destinais à une carrière d'infographiste, c'était la machine idéale. Je me souviens avoir économisé pendant des mois pour pouvoir m'acheter une carte d'extension mémoire de 2 Mo, énorme pour l'époque, qui me permettait de calculer des séquences d'animation en lancer de rayons. ![]() Avant de partir travailler chez Ubi Soft comme artiste pour mon premier et unique job en tant qu'employé, j'ai passé les vacances de l'été 1987 dans leur château de Carrentoir où j'avais rejoint un ami (Yves Grolet) qui y travaillait déjà depuis quelque temps, et là-bas nous avons rencontré Marc Albinet puis plus tard Yann Robert. Tous les quatre nous partagions la même passion pour le développement et l'Amiga en particulier nous séduisait par ses capacités exceptionnelles pour l'époque. Ensuite, quand j'ai commencé à travailler comme employé chez Ubi, c'était pour travailler sur des productions Commodore 64 et Amstrad CPC. Le soir après le boulot, nous avons commencé à travailler tous les quatre sur un projet Amiga, Unreal, pour explorer les capacités de la bête. Après quelques mois de travail, nous avons présenté notre prototype à Ubi en expliquant qu'il nous était impossible de continuer en tant qu'employés si on voulait consacrer notre énergie à ce nouveau projet. Ils ont accepté de devenir notre éditeur sur ce projet et nous avons tous démissionné de notre poste d'employé. Agony s'est fait par la suite, mais sans Yann qui effectuait son service militaire. Nous avons été remarqués par Steve Riding, producteur chez Psygnosis lors d'un salon à Londres, et il nous a proposé de produire notre projet après avoir vu notre prototype. Travailler pour Psygnosis c'était un rêve pour nous, on a donc signé notre nouveau contrat d'édition avec eux. ![]() L'équipe d'Ordilogic (1990) ![]() Unreal était composé de deux parties distinctes, une pseudo 3D à la Space Harrier, et une partie 2D en défilement horizontal. Dès le départ nous avons organisé le jeu de cette façon pour pouvoir travailler chacun de façon la plus indépendante possible. La raison était la distance qui nous séparait, puisque Yves et moi étions rentrés en Belgique et Marc était retourné à Lyon tandis que Yann habitait en Bretagne. ![]() Unreal ![]() Agony ![]() Pour les graphismes, principalement Deluxe Paint III. Mais nous avions aussi un éditeur de niveau à nous. Pour Unreal, il s'agissait d'un système permettant de placer des "sprites" sur une page de trois écrans de large. L'éditeur stockait la position de chaque sprite et tout le décor était construit comme cela. Dans le jeu, à chaque passage de trois écrans, le bitmap est "recomposé" en une fraction de seconde avant que l'on puisse défiler dedans. Pour Agony, l'éditeur utilisait un système plus classique de "tiles" (tuiles), mais comme il y avait trois plans de parallaxe, on avait un éditeur pour l'avant-plan, et un éditeur pour le plan médian. L'arrière-plan était un bitmap fixe. Sur l'avant-plan, chaque tuile pouvait être composée de deux bitmaps superposés, ce qui permettait de varier un peu plus malgré le "tileset" limité. Pour les sons, j'utilisais une carte de capture de sons et mes sources sonores provenaient principalement de synthétiseurs (samplers) que j'avais à la maison. J'avais des cartes d'échantillons de toutes sortes pour les effets spéciaux. ![]() L'image d'introduction d'Agony est également une image de chargement d'un niveau, elle était d'ailleurs prévue uniquement pour cela au départ, avant que l'on apprenne que l'introduction animée par Marc Albinet ne pourrait pas être intégrée au jeu par manque de place. J'ai réalisé cette image en commençant par le ciel. Pour m'inspirer, je suis parti d'une de mes nombreuses photos de ciel que je prenais à l'époque, plus exactement d'une vue prise du balcon de mon appartement à Redon au moment où je travaillais chez Ubi Soft. Ensuite, j'ai travaillé les éléments d'avant-plan. Pour réaliser le feu sur l'arbre, j'ai regardé des dizaines de fois la séquence où le père d'Indy met le feu au château dans "La Dernière Croisade". Cela m'a permis de bien comprendre la façon dont les flammes se formaient et le choix des couleurs à faire. N'oublions pas qu'à l'époque il fallait d'abord créer sa palette avant de pouvoir placer le moindre pixel. ![]() Photo du couché de Soleil ![]() Image de présentation du niveau 6 Une chose me chiffonnait cependant, les échantillons utilisés par Tim étaient très basse fidélité, probablement par souci d'économie de mémoire. J'ai donc décidé de les remplacer par des échantillons de haute qualité tirés d'un échantillonneur Roland. Nous avions de la mémoire à revendre au moment de l'intro, et le contrat nous donnait tous les droits de modification. Cependant, la fréquence d'échantillonnage de mes échantillons était beaucoup plus haute afin de capturer la richesse en harmoniques du son de piano, et l'Amiga étant limité en fréquence de "playback", n'arrivait pas à transposer l'échantillon à la note la plus haute de la musique de Tim. J'ai donc décidé de baisser cette note d'une octave pour que ça passe sans devoir baisser la fréquence d'échantillonnage. Tim a été un peu choqué de s'apercevoir que sa mélodie avait été changée, mais je me suis dit que n'ayant jamais entendu l'original, le public trouverait ça tout à fait bien tel quel. Et je ne m'étais pas trompé, c'est devenu une des musiques culte de l'Amiga. Yves avait d'ailleurs insisté pour que je sois repris dans les crédits de la musique puisque j'avais eu l'idée de ce choix musical original, mais tout le mérite de la composition revient bien évidemment à Tim. ![]() Comme dit plus haut, on travaillait principalement chacun chez soi. A une époque où Internet n'existait pas encore, ce n'était pas évident. On s'appelait souvent au téléphone, mais cela coûtait terriblement cher à l'époque. On avait aussi des modems analogiques pour s'envoyer des fichiers quand cela était nécessaire... à 300 bits/s ! A la fin des projets, on essayait de se réunir pour travailler plus efficacement et terminer les jeux. Yann est venu habiter chez mes parents pendant plusieurs mois, et Marc squattait chez Yves également. ![]() L'espace de travail de Franck Sauer chez ses parents ![]() Tout d'abord, les droits ont été à chaque fois cédés à l'éditeur, ce n'est donc pas à nous de nous plaindre. Mais de toute façon, vu l'âge des jeux, ce serait un peu ridicule. Je suis totalement pour la protection intellectuelle, mais à partir du moment où ces produits n'ont de toute façon plus d'exploitation commerciale, ça n'a plus d'intérêt. Par contre, si une tierce personne se faisait de l'argent en vendant ces anciens jeux sur de nouvelles plates-formes par exemple, ce serait une autre histoire, elle mériterait les pires sanctions. ![]() Ah je savais pas. Sympa. Le problème du piratage est un problème d'éducation. La plupart font (faisaient) cela sans prendre la mesure des conséquences que cela porte sur les créateurs, je pense qu'il est dommage que l'on ne consacre pas plus d'effort dans notre société à expliquer comment les choses sont faites, et pourquoi cela à un coût. Cela contribuerait à conscientiser les personnes et à les faire agir de façon plus responsable. ![]() Image de présentation du niveau 2 d'Agony ![]() 17 000 ventes officielles pour Unreal, et 20 000 pour Agony. Du moins d'après les rapports de royautés des éditeurs. Ça suffisait tout juste à payer le loyer et avec les dernières royautés d'Agony j'ai pu m'acheter ma première voiture d'occasion, pour l'équivalent de 2500 euros aujourd'hui. Yay. A l'époque (et encore trop souvent aujourd'hui), les contrats étaient très en faveur de l'éditeur, de façon disproportionnée étant donné le risque très limité qu'ils prenaient. Je ne sais pas combien Ubi ou Psygnosis se sont fait à l'époque, mais il est clair que s'ils sont devenus ce qu'ils sont aujourd'hui (Psygnosis a été racheté entretemps par Sony), c'est en partie grâce à de nombreux petits développeurs indépendants qui, comme nous, leur ont construit un catalogue et une réputation. Sans vouloir leur retirer le mérite d'avoir mener leurs sociétés avec un sens aigu des affaires. ![]() Quand les nouveaux modèles de composants sont arrivés, notre focus se portait déjà sur l'arcade, et le PC devenait une machine viable comme plate-forme de développement, avec des outils compétents. Je ne m'y suis donc pas intéressé à l'époque. ![]() Première nouvelle. Un petit coup d'oeil sur Internet... Je pense que c'est une erreur des bases de données, le développeur est Origin et pas Ordilogic, on a jamais travaillé là-dessus. ![]() Pour arrondir les fins de mois, j'ai eu l'occasion de travailler sur plusieurs petits projets d'image de synthèse en parallèle des jeux, dont celui de refaire le générique de Thalassa (l'original) en 3D. Je travaillais avec un producteur belge (Jacques Martin, pas celui de France 2) qui m'a mis en contact avec Gérard Marinelli et qui a constitué une petite équipe à Paris pour bosser sur un prototype de visuel. Malheureusement, la technologie n'était pas encore à la hauteur de sa vision et le projet dans sa version Amiga n'a jamais vu le jour. Il aura fallu attendre plusieurs années encore, et des technologies bien plus abouties, avant de voir une version 3D du fameux générique. ![]() A l'époque, on ne s'attardait pas beaucoup sur une plate-forme. S'il y avait mieux, on bougait tout simplement. A ce moment-là, avec l'opportunité de développer notre propre matériel d'arcade grâce à la rencontre avec Deltatec et de démarrer une toute nouvelle aventure avec la création d'Art & Magic SA, on a mis l'Amiga au placard sans le moindre remords. ![]() Oui, bien des années plus tard, j'ai décidé de sortir mes vieilles machines du grenier et de leur consacrer la place qu'elles méritaient. Je démarre de temps à autre les machines pour tester de nouvelles démos ou juste pour vérifier que tout fonctionne toujours parfaitement. Pour l'élaboration de mon site, j'ai eu l'occasion de reparcourir tous mes fichiers sources et de transférer un maximum de choses sur PC pour les sauvegarder. Étonnamment, même mes plus vieilles disquettes C64 étaient encore toutes lisibles. ![]() Je regarde de temps en temps les publications sur quelques groupes Facebook, mais je dois dire que je n'ai pas l'occasion d'y consacrer beaucoup de temps. C'est épatant de voir l'enthousiasme de certains autour de la plate-forme, et des nouvelles versions du système d'exploitation ou de matériels, mais je regarde cela de loin désormais. ![]() Fresh3d est une petite société de développement que l'on a créée en 2004, Yann Robert et moi, dans le but de développer des jeux, de la technologie et du service autour du développement. Nous avons travaillé essentiellement sur console avec des jeux sorti sur PS2, Xbox 360 et le plus récent "Fighter Within" sur Xbox One où nous avons fourni la technologie de rendu, ainsi que du service de développement en complément au développeur principal (Ama Studios). ![]() Cela suit son cours, mais étant donné qu'il n'y a pour l'instant aucun financement derrière, cela avance doucement, sur notre temps libre. Dès que l'on aura une démo jouable, on relancera une campagne de financement participatif pour financer le jeu. ![]() Je trouve cela épatant. Même si notre première campagne s'est soldée par un échec, nous en avons beaucoup appris. Cela permet à de petites équipes indépendantes de conserver cette indépendance créative. Malheureusement, comme le financement participatif devient davantage grand public, beaucoup passent à côté de la vraie raison d'être de ce système et confondent cela avec de la simple précommande. Il faut également bien communiquer, car beaucoup de gens n'ont pas la moindre idée de ce que coûte le développement d'un jeu. ![]() En plus d'Outcast et de mon travail régulier à la Haute École, j'ai actuellement un jeu personnel en développement sur VITA (et potentiellement d'autres plates-formes), pour lequel je réalise tout moi-même. Comme dit précédemment, j'ai également en cours l'enregistrement d'un album de musique pour un jeu qu'un ami développe sur Unity. Il s'agit de musique essentiellement électro, avec une composante rétro (inclusion de sons de C64, etc.). Enfin, j'essaie de consacrer aussi régulièrement un peu de temps à la documentation complète de mes projets à travers les articles de mon site, cela n'a l'air de rien mais ça prend un temps de fou ! Donc voilà, ce n'est pas les trucs à faire qui manquent ! ![]() Ce sont des plates-formes très intéressantes, avec des performances de plus en plus alléchantes. Cependant, il subsistent trois gros problèmes sur ces plates-formes. Le premier concerne les contrôles, car si votre jeu est conçu pour des pads, cela ne fonctionne pas du tout en émulation sur les écrans tactiles, la latence est trop importante et la précision médiocre. Donc il faut une conception adaptée, tel qu'un jeu d'aventure "point & click" par exemple, ce qui limite les possibilités. Le deuxième problème c'est la visibilité. Quand on sort un jeu sur ces plates-formes, si on a pas les moyens de se payer de la publicité, on se retrouve noyé dans un océan d'applications plus médiocres les unes que les autres, et on risque fort de passer inaperçu, quelle que soit la qualité de votre jeu. Le dernier point, c'est la monétisation. La plupart des jeux sont gratuits et ne rapportent rien à leurs auteurs (énormément de petits studios font actuellement volte face et se retournent vers les consoles s'ils en ont les moyens). Si l'on fait payer un petit montant, de l'ordre de 50 centimes, il faut vendre plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires au minimum pour couvrir les frais de développement, et cela implique d'être bien visible et on en revient au point 2. L'autre possibilité est de monétiser via la publicité ou les micro-transactions, là aussi le volume doit être important pour que cela rapporte, et il y a tellement de nouveautés qui sortent sur ces formats, que la plupart des gens se contentent de la démo puis passent à autre chose sans jamais rien acheter. Enfin, on peut faire payer un "full price", cela viendra probablement un peu plus avec les productions plus importantes qui se développent actuellement, mais la perception des joueurs occasionnels est telle que je ne suis pas certain qu'ils comprennent pourquoi on demanderait un tel montant vu qu'il y a tellement de choses gratuites et qu'ils n'ont pas la moindre idée de la justification d'un tel prix. En clair, je ne suis pas certain que ce soit une si bonne plate-forme que cela pour les indépendants, le succès est très aléatoire, cela se rapporte plus à de la loterie. Peut-être que cela changera à l'avenir avec un meilleur contrôle qualité et une meilleure classification des applications, mais pour l'instant c'est la jungle. ![]() Oui, je suis très reconnaissant de l'intérêt qu'ont pu porter jusqu'ici les fans de l'Amiga à mes travaux, c'est fascinant de voir toujours autant d'enthousiasme après toutes ces années. Je suis également fier, à travers ma modeste contribution, de faire partie de cette communauté de créatifs qui ont pu explorer les premières machines capables au niveau graphique de transmettre une émotion et de faire rêver les joueurs. C'est vraiment un privilège d'avoir pu participer à tout cela, et j'ai vraiment eu de la chance de tomber là-dedans à cette époque !
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