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A propos d'Obligement
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David Brunet
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Entrevue avec David Crane
(Entrevue réalisée par Patrick Desmedt et extrait de Tilt - avril 1985)
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David Crane, le créateur vedette d'Activision, l'homme qui "pèse" à lui seul six millions de jeux vendus
dans le monde, a accordé à Tilt un long entretien lors de son récent passage à Paris. Il dit tout sur sa
manière de travailler, les jeux et la micro.
Comment êtes-vous devenu
créateur de jeux vidéo ?
J'ai commencé à créer des jeux très jeune. Dès l'âge de huit ans, quand la règle d'un jeu ne me plaisait pas, je
la changeais. Puis j'ai fabriqué des jeux mécaniques, comme des flippers. Le passage à la vidéo était logique.
Votre itinéraire est
donc inverse à celui de beaucoup de créateurs, qui sont venus au jeu par l'informatique.
Non, pas vraiment. Car professionnellement, j'étais ingénieur informaticien, je créais des ordinateurs, avant de
commencer à m'en servir. J'ai donc suivi les deux voies.
Quelle fut votre première
création ?
Dragster, puis Fishing Derby.
Depuis, la liste s'est allongée.
Quel est votre rythme de création ?
Il faut compter environ huit mois pour mettre au point un jeu, mais certains logiciels demandent plus de temps,
d'autres moins. Je suis cofondateur d'Activision, mais aussi employé par Activision. Je conçois des jeux comme
cela vient, quand j'ai des idées intéressantes.
Pour Ghostbusters, cela s'est passé un peu différemment. Je travaillais depuis plusieurs mois sur un jeu qui n'avait
pas encore de scénario. Puis on est venu à l'idée de Ghostbusters, et il s'est trouvé que mon projet correspondait
bien au scénario.
Cela va-t-il devenir
une pratique courante de sortir un jeu en même temps qu'un film à succès ?
Nous allons toujours voir les grands films, les films d'aventure, et nous les regardons avec beaucoup d'attention.
Si vraiment un film nous plais beaucoup, nous pouvons en tirer un jeu. Mais ce n'est pas systématique.
Ghostbusters est le premier film que nous adaptons. Il est possible que ce soit le dernier. Pour que nous décidions
une adaptation, il faut vraiment que le scénario s'y prête et que le résultat soit très bon.
Et en ce moment, sur quel
projet travaillez-vous ?
Personnellèment, je ne suis sur aucun développement. Mais je donne un coup de main à de jeunes programmeurs. La manière
de travailler évolue. Mon premier jeu, Dragster, faisait 2 ko. Ghostbusters en fait 48. Pour mener à bien un projet
d'une telle complexité, en un an ou moins, il faut plusieurs personnes. Un jeu maintenant, c'est comme un film.
Il y a un directeur, un producteur, un scénariste, un responsable des effets spéciaux, un graphiste, etc.
En France, il se crée
de petites sociétés de logiciels, avec seulement quelques personnes. Comment cela se passe-t-il aux États-Unis ?
C'est devenu beaucoup plus difficile maintenant aux États-Unis. Ce n'est plus comme il y a quelques années, lorsqu'Activision
s'est créée. Les sociétés ont besoin de beaucoup d'argent pour investir.
Quel avenir voyez-vous au jeu ?
L'avenir appartient aux logiciels de type Ghostbusters, avec une part d'action, une part d'aventure, une part de
gestion, mais également aux logiciels de loisirs, qui ne sont pas des jeux à proprement parler. Par exemple,
Designer Pencil, Music Studio.
Comment un créateur
parvient-il à se renouveler, à trouver des idées neuves ?
Je suis moi-même un joueur de jeux vidéo. Quand je suis lassé d'un jeu d'action, je crée un jeu d'un autre genre.
Le jeu que je crée aujourd'hui, c'est le jeu de l'année prochaine. J'invente de nouveaux jeux, parce que je suis las
des anciens.
Que pensez-vous du marché
de la micro-informatique. Croyez-vous aux MSX ?
Je ne peux pas dire grand-chose au sujet des MSX, car ils sont pratiquement inexistants aux États-Unis. Ils étaient
bien présentés au salon de Las Vegas, mais leur stand n'était pas très important, et n'a pas remporté de succès.
Je crois que les MSX arrivent trop tard.
Quel est votre ordinateur
préféré ?
Celui de l'année prochaine.
Et pensez-vous que les
nouveaux ordinateurs Atari ST et Commodore 128 vont vraiment entrer massivement dans les foyers ? Allez-vous créer des
logiciels pour eux ?
Si ces ordinateurs entrent dans les foyers, nous créeront des jeux pour eux. Nous avons des logiciels pour tous les types
d'ordinateurs couramment utilisés par les familles. Atari a de bonnes chances de gagner son pari, grâce à son nouveau
directeur Jack Tramiel. Mais Commodore a également de bonnes chances.
L'importance des tailles
mémoire permettra-t-elle la naissance de logiciels plus sophistiqués ?
Les logiciels seront de plus en plus sophistiqués, parce que les machines seront de plus en plus sophistiquées. Mais
le plus important pour un créateur de jeux, c'est de toujours se rappeler qu'un jeu complexe n'est pas forcément un bon jeu.
Si un jeu possède un mode d'emploi très épais, il sera assurément complexe. Cela signifie-t-il qu'il sera de qualité ?
Le meilleur des jeux est celui dont la règle est très simple à apprendre, et qui demande beaucoup de temps avant
d'être maîtrisé. Prenez par exemple les échecs. On apprend en quelques minutes le déplacement des pièces, mais il
faut une vie entière pour maîtriser le jeu. Plus les ordinateurs se sophistiquent, et plus mon travail devient ardu.
Car je dois réaliser de bons jeux sans pour autant qu'ils deviennent complexes.
Que pensez-vous du vidéo laser.
A-t-il un avenir ?
D'ici deux ou trois ans, les ordinateurs seront capables de générer des images d'aussi bonne qualité que celles d'un
vidéo-disque laser. L'avantage en qualité graphique de ce dernier n'en a donc plus pour longtemps. Personnellement,
cela ne m'intéresse pas de créer des jeux pour disque laser, car les possibilités sont en réalité réduites.
Quand vous orientez la manette de jeu à droite, l'ordinateur sélectionne une image, quand vous l'orientez à gauche,
il en sélectionne une autre. En fait, c'est très simple.
Redoutez-vous la concurrence
des Japonais ?
Non. Chez Activision, nous produisons les meilleurs logiciels du monde. Et c'est la qualité des logiciels qui compte,
et non pas des prix inférieurs, ou des prouesses techniques un peu vaines.
Comment considérez-vous
le marché européen, car ici nous avons parfois l'impression d'être des laissés pour compte. Les nouveautés ne nous
parviennent qu'avec beaucoup de retard.
Nous ne mettons sur le marché que des produits totalement terminés. Ensuite, pour régler les questions d'exportation,
il faut compter quelques mois. Quant au marché européen de la micro-informatique, il est très intéressant. Il est
en avance par rapport à celui des États-Unis parce que chez nous les consoles de jeux vidéo ont remporté un très vif
succès pendant longtemps, ce qui a freiné l'essor de la micro-informatique familiale. Aujourd'hui, les consoles sont
en train de mourir, et les micros démarrent, comme nous l'avions d'ailleurs prévu à Activision. En Europe, les jeux
sur console et la micro-informatique se sont développés en même temps, ce qui fait qu'aux États-Unis, nous regardons
ce qu'il se passe en Europe, avec beaucoup d'intérêt. Le marché de la micro y préfigure le marché américain de
demain...
En Europe, beaucoup
de gens affirment exactement le contraire !
En Europe, vous observez les États-Unis pour connaître les produits. Mais nous regardons l'Europe pour connaître
le marché, voir comment les produits sont vendus, comment se passe le marketing. Ce sont deux choses différentes.
On parle beaucoup
d'une crise des jeux vidéo. Existe-t-elle vraiment ?
La micro-informatique va devenir une industrie très importante. Elle est en constante progression, même si elle
connaît quelques à-coups. Mais la tendance à long terme est indiscutable. En 1990 combien de gens auront un ordinateur ?
Mais tout le monde. C'est un marché immense ! Et combien de gens utiliseront l'ordinateur pour leurs loisirs ?
Pour la plupart, les loisirs seront la fonction principale de l'ordinateur, et pour les autres, la seconde.
Je vois donc des débouchés immenses dans le logiciel de loisirs. Je suis très confiant en l'avenir.
Ne redoutez-vous pas
une lassitude de la part du public ?
Les gens en ont-ils assez de la télévision ? La télévision est, comme les jeux sur micro, un loisir utilisant
l'électronique. Et l'ordinateur est supérieur à la télévision, parce qu'il est interactif. Si je fais bien mon
métier, les gens ne se lasseront jamais de la micro. Et la micro touche tous les âges. Seuls les jeunes jouaient
sur les consoles. Mais aujourd'hui, les logiciels de divertissement, pas de jeu pur, comme
Designer Pencil ou Music Studio, intéressent les gens de n'importe quel âge.
Vous avez réalisé
de nombreux livres à succès : Pitfall, Decathlon, Ghostbusters. Quelle est votre recette ?
Je crée des jeux pour m'amuser avec. Je représente une personne normale, je ne suis pas quelqu'un d'étrange.
Si le jeu me plaît, s'il plaît également à mes collaborateurs, il plaira à beaucoup d'autres gens, de tous âges.
Pitfall est populaire auprès des grands-parents ! Nous testons nous-mêmes les jeux. Il n'y a pas un logiciel
qui soit publié sans avoir reçu un accueil unanime parmi nous.
Redoutez-vous
l'espionnage, le vol de vos idées ?
Personne d'extérieur n'a le droit d'entrer là où nous développons les logiciels. Seuls les gens qui travaillent
sur un projet le connaissent. C'est suffisant. En revanche, nous souffrons beaucoup du piratage des logiciels.
Il y a au moins autant de copies réalisées que de logiciels vendus. C'est un énorme manque à gagner.
Et pour l'instant, il n'y a aucune protection efficace. Quand un nouveau moyen de protection apparaît, le
lendemain apparaît le logiciel de copie correspondant. La seule solution serait d'éduquer le public. Faire
comprendre aux gens que recopier une disquette, ce n'est pas innocent. Le public ne se rend pas compte que la
mise au point d'un logiciel représente plusieurs mois de travail pour toute une équipe. Certains disent
"Baissez le prix de vente des logiciels, et vous découragerez le piratage". Mais ceux-là ne se rendent pas
compte de l'importance des investissements nécessaires pour la réalisation de jeux. La presse doit nous aider
à le faire comprendre.
Pour terminer, une
question en dehors de l'informatique. Quels sont vos loisirs ?
Je joue au tennis, beaucoup. Et comme j'ai une maison avec un grand jardin, je jardine. Mais en fait,
je n'ai pas vraiment le choix !
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