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ERBE Software, couplée à son studio de développement Topo Soft, fut l'un des principaux développeurs et distributeurs de jeux vidéo en Espagne pendant l'âge d'or du logiciel espagnol (1983-1992), oeuvrant sur le marché des machines 8 bits (Commodore 64, ZX Spectrum, Amstrad CPC) puis 16 bits dont l'Amiga. Peu connue en France et même hors des frontières ibériques, cette société fut véritablement la planche de salut de tous les amateurs de jeux vidéo en Espagne. Le slogan d'ERBE Software était : "si buscas lo mejor, ERBE Software lo tiene!" (si vous cherchez ce qu'il y a de mieux, ERBE Software l'a !). ![]() La société fut fondée en 1984 au 17 Santa Engracia à Madrid par Peter Bagney et Paco Pastor. Ce dernier est une célébrité en Espagne, c'est l'ancien vocaliste de Fórmula V, un groupe de pop espagnol. Son vrai nom est Francisco de Asís Pastor Pueyo, il est chanteur, auteur-compositeur et acteur de cinéma et de télévision, sa popularité culmina dans les années 1960 et 1970. ![]() Paco Pastor sur un disque en 1978 "Puis, comme je suis très curieux, je me suis intéressé au ZX Spectrum et à Clive Sinclair et à tout ce monde dont je ne connaissais rien. C'est ainsi que j'ai découvert qu'il y avait de nombreuses similitudes entre le marché du jeu vidéo et celui du disque : le même public, le même type de marketing...".Chez CBS travaillait María Jesús López en tant que directrice de production. C'était la patronne de Paco Pastor et l'épouse de Peter Bagney, un Américain né en Espagne qui dirigeait le département "Classico" de CBS et qui était partenaire et ami de Paco Pastor. ![]() María Jesús López Lors d'un week-end dans la petite ville de Tragacete, María Jesús López, Peter Bagney, Paco Pastor et sa femme Milagros Moreno, arrivèrent à la conclusion que pour faire venir des jeux vidéo d'Angleterre et pouvoir les vendre légalement en Espagne, ils devaient créer une société de distribution et de vente. A l'époque, l'Espagne n'était pas dans l'Union Européenne et il fallait beaucoup de paperasse pour obtenir les licences d'importation, les autorisations douanières, etc. Ils firent donc appel à la société du père de Peter Bagney, Elizabeth and Richard Bagney Enterprise (ERBE), pour accélérer les formalités administratives. Le père de Peter Bagney, Richard, était décédé mais l'entreprise était toujours en activité. Elle disposait également des autorisations nécessaires pour effectuer des importations et des exportations de marchandises entre l'Espagne et le Royaume-Uni. La confiance de Paco Pastor dans ce projet fut telle qu'il décida d'acheter la moitié des actions de la société. Les autres 50% restèrent entre les mains de la famille Bagney. En dehors d'El Corte Inglés, les ordinateurs étaient vendus dans les magasins d'électroménager. Ils étaient là, avec les réfrigérateurs et les téléviseurs. Il n'y avait qu'un seul magasin spécialisé, Sinclair Store, qui avait deux ou trois centres à Madrid. Officiellement, ERBE Software ouvrit ses portes au dernier trimestre de 1984, entre septembre et octobre, avec un petit bureau situé au quatrième étage du numéro 25 de la rue Ponzano à Madrid. ERBE Software commença par vendre des jeux vidéo uniquement par voix postale à toute l'Espagne et faisait sa promotion par le biais du magazine ZX. Milagros Moreno, la femme de Paco Pastor, était chargée de récupérer les commandes. María Jesús López, Paco Pastor et Peter Bagney prépareraient et emballeraient les jeux. Parfois, Paco Pastor et Peter Bagney faisaient des livraisons à domicile à Madrid. ERBE Software devint un engouement : soudain, les gens se rendaient au petit bureau de la rue Ponzano, bureau qui était réservé à l'administration, mais ils faisaient la queue pour acquérir directement des jeux. Bien que la société était au quatrième étage, la file d'attente s'alongeait dans toute la rue ! ![]() Paco Pastor dans les locaux d'ERBE Software ![]() Andrew Bagney ![]() Dès la début de l'aventure ERBE Software, le travail de contacts et de négociations avec les fournisseurs anglais de jeux vidéo était assuré par Peter Bagney. Il réussit à faire aboutir les accords avec Centresoft et la licence de distribution initiale pour douze titres. Mais les toutes premières négociations avec les sociétés anglaises de jeux vidéo (Ocean, US Gold, Imagine...) fut très difficile car le fait de fabriquer en Espagne leur posait un problème : comment éviter une réexportation vers le reste de l'Europe, où les jeux étaient plus chers ? ERBE Software réussit à les convaincre car ses jeux incluaient des notices uniquement en langue espagnole et vendus au format cassette (alors que les jeux anglais étaient livrés dans une grande boîte décorée). Mais surtout, ERBE Software dû leur expliquer qu'elle contrôlait complètement la distribution ; la société de Paco Pastor et Peter Bagney s'accaparait 80% du marché et en ne desservant que les magasins (environ 3000). Les sociétés anglaises ne faisaient effectivement pas confiance à ERBE Software ni au marché espagnol. Paco Pastor indiqua que "le piratage y était pire qu'en Italie, et au même niveau que la Colombie et le Pérou, pays où aucune entreprise ne voulait gérer la distribution de logiciels". Paco Pastor poursuivit : "en Angleterre, dans les années 1960 et 1970, les gens pensaient que l'Europe commençait dans les Pyrénées. Dieu merci, cette perception a changé dans les années qui ont suivi mais il est vrai que nous étions vus sous un mauvais jour et, de plus, nous nous comportions comme tels." Pour convaincre les sociétés anglaises, Paco Pastor passa par CBS, une société bien plus crédible et qui disposait en outre d'une usine en Espagne. Il leur dit "Envoyez le master à CBS, à qui vous faites confiance, et laissez-les vous dire combien d'unités ils produisent". Paco Pastor eut également la bonne idée de créer, lors de Noël 1986, une sorte de lot, El Lingote (le lingot), qui comportait dix cassettes avec les meilleurs jeux de l'année, comme cela se faisait dans le monde de la musique. La publicité de cette compilation passa même à la télévision. Le succès fut considérable, ERBE Software dû fabriquer pas moins de 1,5 million de cassettes ! CBS dû d'ailleurs reporter la sortie des albums de Julio Iglesias et Mecano de dix ou douze jours car ils étaient en rupture de stock de cassettes. Les activités d'ERBE Software mit à mal plusieurs fois l'usine de CBS. ![]() Compilation Lingote, année 1986 Les dirigeants d'ERBE Software commencèrent à réaliser qu'il y avait un piratage insensé. A cette époque, le piratage était très élevé, environ 90% des copies qui circulaient étaient pirates. En parlant avec José Luis Domínguez, le dirigeant d'Amstrad en Espagne, ils calculèrent qu'il y avait environ un million de micro-ordinateurs installés. Le jeu vedette d'ERBE Software en cette période était Decathlon d'Ocean et il était difficile de trouver quelqu'un qui ne l'avait pas. Pourtant, les ventes n'étaient que de 500 unités ! Un formidable commerce se faisait sur le marché aux puces... Paco Pastor organisa alors deux descentes de police, mais il se rendit vite compte que cela ne servait à rien. C'était irréalisable car cela aurait signifié mettre un policier à la porte de chaque école, où la plupart des jeux étaient copiés. En 1987, Paco Pastor réalisa la première étude de marché sérieuse dans le secteur des jeux vidéo. Il voulait savoir exactement combien d'ordinateurs étaient sur le marché, de quel type ils étaient, quel type de jeux les enfants voulaient, combien ils étaient prêts à payer... Les dirigeants d'ERBE Software s'accordèrent sur une décision forte : ils allaient baisser les prix qui étaient alors d'environ 2000 pesetas (12 euros). Le rapport indiquait qu'il fallait réduire le prix par copie à 500 pesetas, il n'y avait donc pas d'autre choix que de réaliser la fabrication en Espagne. Les jeux devaient parvenir au consommateur pour 875 pesetas (5 euros), soit 70% de moins que leur coût. L'annonce de la baisse des prix fut faite le 29 janvier 1987. ![]() ERBE Software passe les prix à 875 pesetas La naissance de Topo Soft : quand ERBE Software passe à la création Les origines de Topo Soft remontent à 1985, à l'époque où Javier Cano et Emilio Martínez Tejedor se lancèrent dans le monde de la programmation en créant un simple jeu éducatif de géographie nommé MapGame et le vendaient sous leur propre label baptisé "Action". Ce jeu fut développé avec une télévision en noir et blanc, et ils ne pouvaient pas vérifier la qualité des graphismes. Javier Cano emmena donc son jeu dans l'un des premiers magasins spécialisés dans le ZX Spectrum et demanda la permission au propriétaire de charger son jeu afin de voir les couleurs. L'enthousiasme du propriétaire du magasin (et de Javier lui-même) était tel qu'il lui donna une carte d'une société qui distribuait des jeux ZX Spectrum : ERBE Software. ![]() ![]() Javier Cano et Emilio Martínez ![]() ![]() MapGame ERBE Software publia un autre jeu, Las Tres Luces De Glaurung, développé par José Manuel Muñoz. Ce dernier se présenta en 1986 aux bureaux d'ERBE Software à la recherche d'un emploi. Il rencontra Emilio Martínez et Javier Cano, à qui il proposa une idée de jeu amusant. José Manuel Muñoz rejoignit l'équipe et ils commencèrent à développer Las Tres Luces De Glaurung, après avoir convaincu la direction. ![]() ![]() Las Tres Luces De Glaurung ![]() Topo Soft grandit La stratégie commerciale de Topo Soft évolua au fil du temps, sous l'impulsion de Paco Pastor, qui voyait là la possibilité de créer un studio capable de rivaliser à armes égales avec d'autres studios de développement plus puissants, surtout que la demande de jeux 8 bits et le nombre d'ordinateurs vendus avaient fortement augmenté. Au début, le studio travaillait avec des collaborateurs, ce qu'on appelle aujourd'hui des indépendants, qui se rejoignaient sur un projet particulier mais ne faisaient pas partie intégrante du studio. ERBE Software/Topo Soft créa ensuite ses propres équipes de travail, augmentant le nombre d'employés et aussi les ressources nécessaires à l'entreprise. ![]() Topo Soft en 1988. En bas : Carlos Arias, Javier Cano, José Manuel Lazo et Emilio Martínez. En haut : Eugenio Barahonda, Ricardo Cancho, Roberto P. Acebes, José Manuel Muñoz et Rafael Gómez. ![]() ![]() Alfonzo Azpiri et Gabriel Nieto Alors qu'ERBE Software avait commencé par importer des jeux d'éditeurs anglais sur le sol espagnol, l'apparition de Topo Soft renvoya l'ascenseur. En effet, les jeux de Topo Soft étaient maintenant exportés au Royaume-Uni, et distribués par US Gold et Kiss, cette dernière étant une division d'US Gold orientée vers les logiciels bon marché. À la fin des années 1980, le marché mondial entama sa transition vers la technologie 16 bits. Le problème était que le nombre d'ordinateurs 16 bits vendus en Espagne était très faible. Ceci, ajouté au coût plus élevé du développement d'un jeu pour ordinateur 16 bits (qui nécessitait une équipe de développement plus importante et des délais plus longs), incita Topo Soft, parmi d'autres sociétés, à continuer à programmer pour les machines 8 bits malgré les progrès constants de la technologie. C'est à cette époque que sortirent des jeux comme Journey To The Center Of The Earth, Perico Delgado, Metropolis ou Ice Breaker. ![]() Ice Breaker Ce fut également, après Dinamic, la société espagnole qui jouissait de la plus grande distribution et visibilité internationale. Son plus grand succès Mad Mix Game, dans le genre Pac-Man, fut utilisé par Pepsi pour un concours au Japon. Topo Soft acquit même la licence pour Gremlins 2 après une compétition acharnée avec d'autres sociétés de logiciels. Tout cela montra comment, d'un petit studio de production presque artisanale, l'entreprise passa à une production similaire à celle d'autres studios, plus grands. ![]() Mad Mix Game sur ZX Spectrum La plupart des productions de Topo Soft fut réalisée pour le ZX Spectrum, l'Amstrad CPC et le MSX, machines qui dominaient le marché en Espagne à cette époque. En 1989, en raison de désaccords avec la direction d'ERBE Software, les deux fondateurs de Topo Soft quittèrent la société pour créer Animagic et voler de leurs propres ailes. Sur Amiga, Topo Soft ne réalisa que deux titres, tous deux en 1990 : Lorna et Viaje Al Centro De La Tierra. Lorna était un jeu d'action où le joueur incarnait une plantureuse héroïne, d'après une bande dessinée d'Alfonso Azpiri. Ce jeu était doté d'une réalisation de qualité avec des décors superbes et de nombreuses animations, mais un peu court et avec une progression de difficulté irrégulière. De son côté, Viaje Al Centro De La Tierra, était un jeu d'aventure, un titre qui n'avait d'ailleurs rien à voir avec le jeu du même nom (Voyage Au Centre De La Terre) publié par Chip/US Gold en 1988. A noter qu'un troisième jeu, Desperado (alias Gun Smoke), est mentionné sur cette page de Wikipédia mais il semble qu'il n'ait jamais été publié, ou alors il s'agit d'une sacrée rareté... Les deux titres de Topo Soft pour Amiga furent publiés seulement en Espagne, d'où une notoriété limitée chez les joueurs Amiga. Lorna fut malgré tout importé et distribué en France par Ubi Soft, avec un succès plus que limité également. Concernant le faible nombre de productions de Topo Soft, Paco Pastor indiqua dans une entrevue pour Cultura Informatica : "Je pense que c'était principalement le coût du développement. Avec les machines 16 bits, le paysage de la programmation a commencé à changer et il a fallu beaucoup plus d'efforts en termes de temps, de moyens et bien sûr d'argent pour créer un bon jeu vidéo." ![]() Lorna ![]() Viaje Al Centro De La Tierra ERBE Software commença à vendre beaucoup et à être perçu différemment en Europe. C'est en tout cas ce qu'avoua Geoff Brown, le président et propriétaire d'US Gold, un grand éditeur anglais. Le marché espagnol devint le premier marché pour les Anglais, celui qui générait le plus d'argent pour eux. De plus, ils n'avaient qu'à envoyer le master à ERBE Software et empocher les bénéfices. La société était alors l'une des cinq premières d'Europe en matière de distribution. Ses concurrents nationaux Dro Soft (qui est aujourd'hui Electronic Arts España) et Proein ne pouvaient alors pas rivaliser. ![]() Blood Money de Psygnosis distribué par ERBE ![]() ![]() Whopper Chase ![]() Compilation Erbe 88 ERBE Software était alors en quasi monopole sur le marché espagnol et cela créa un problème avec les autres sociétés du secteur. Ces dernières accusaient ERBE Software de les étouffer économiquement avec sa politique de prix bas car tout le monde devait suivre cette voie. La réponse de Paco Pastor fut que si le marché avait continué à être aussi petit, ces studios auraient tout de même disparu. Certains studios de développement réussirent très bien comme Dinamic et Topo Soft, qui, bien qu'appartenant à ERBE Software, avait sa propre feuille de résultats. Pablo Ruiz, l'un des fondateurs de Dinamic, dit d'ailleurs que Paco Pastor était un "monstre du marketing", bien que le principal intéressé pensa que ce propos était surestimé : en effet, toutes les actions qu'ERBE Software avaient mené eurent lieu sur un marché qui n'existait pas et dans lequel les rivaux étaient soit des opportunistes peu sérieux, soit des développeurs qui n'accordaient pas beaucoup d'importance aux techniques commerciales. Dans une entrevue pour 20 Minutos, il a même déclaré que "l'industrie de la musique devrait regarder l'industrie du jeu vidéo et en tirer des leçons". Objectivement, on pouvait dire que Paco Pastor était un "monstre du marketing" car non seulement il réduisit fortement le piratage, mais en plus il inscita les pirates à vendre ses produits. Il alla au marché aux puces, rencontra les vendeurs illégaux et leur dit "Écoutez, je vais baisser le prix des jeux. Je vais ouvrir un entrepôt pour vous tous les vendredis afin que vous puissiez acheter des jeux originaux pour seulement 100 pesetas pour les vendre au Rastro". Il s'agissait de surplus non vendus. ERBE Software conçut même une ligne de produits juste pour ces pirates, qui s'appelait Ibsa. La stratégie était simple : Paco Pastor voulait que le pirate, qui n'est qu'un commerçant parmi d'autres, voit qu'il pouvait avoir le produit original et gagner le même argent en toute conscience. La seule condition qu'ERBE Software imposait est qu'ils ne devaient pas vendre de copies pirates. Par ailleurs, certaines sociétés qui avaient des accords de distribution avec ERBE Software n'étaient pas disposées à partager ce si puissant distributeur avec d'autres entreprises. Elles ne voulaient pas non plus figurer dans le même catalogue que leurs concurrents. Pour pouvoir travailler et avoir des contrats avec toutes ces sociétés concurrentes, ERBE Software créa en 1988 la société MCM. L'acronyme de MCM fut inventé par Paco Pastor, cela signifit "A Melhor Companhia do Mondo" (La meilleure entreprise du monde). ![]() MCM publia quelques dizaines de titres au total et une dizaine sur Amiga. On y trouve par exemple Brat (de Foursfield/Image Works), Golden Axe (de Dementia/Virgin/Sega) et Teenage Mutant Hero Turtles (de Daisysoft/Image Works/Konami). En fin de compte, ERBE Software publia des centaines de titres durant toute son existence, toutes plates-formes confondues. Une bonne partie était d'ailleurs en exclusivité pour l'Espagne. La société publia en outre une cinquantaine de titres sur Amiga en partenariat avec US Gold, Psygnosis, Rainbow Arts, Magic Bytes, Ocean, MicroProse, Hewson, Infogrames ou encore Virgin. C'est donc grâce à ERBE Software que des succès internationaux ont pu arriver en Espagne : Another World, Denaris, F-15 Strike Eagle 2, Hook, Indiana Jones And The Fate Of Atlantis: The Graphic Adventure, Push-Over, RoboCop 3, The Secret Of Monkey Island, Toki... L'ère des consoles, conflit à la direction d'ERBE Software ERBE Software n'était pas impliqué dans les consoles 8 bits. La Master System de Sega était alors distribuée en Espagne par la maison de disques Virgin, alors que Nintendo fit confiance à Spaco S.A. pour la distribution de sa NES. Mais cela fut presque un fiasco : cette console connut un grand succès dans le reste du monde, mais l'Espagne resta à la traîne, la faute au distributeur. En 1991, pour le lancement de sa nouvelle console Game Boy, Nintendo décida de contacter ERBE Software pour assurer la distribution en Espagne. ERBE Software remplit sa première année de distribution pour Nintendo et fit un très bon travail. L'année suivante, en 1992, au vu des bons résultats, Nintendo lança la Super Nintendo en Europe, et pour la distribution en Espagne, ils déléguèrent de nouveau le travail à ERBE Software. Mais cela ne se passa pas comme prévu car la société espagnole se fit racheter par le puissant groupe Inversiones Ibersuizas et un nouveau directeur financier fut nommé. ![]() ![]() Super Nintendo et Game Boy, deux consoles distribuées par ERBE Software Paco Pastor n'était cependant pas très heureux de concentrer toute sa distribution pour une entreprise aussi jalouse que Nintendo. Il était également un peu échaudé par la façon dont la question de l'acquisition par Ibersuizas Investors fut prise et commença à faire entendre ses différends. C'est à ce moment-là que Sega apparut. Richard Branson, le grand patron de Virgin, avait conclu un accord de distribution avec Sega en Europe et il proposa de le faire avec ERBE Software en Espagne. Au début, Paco Pastor refusa de vendre ses jeux en Espagne : il était consultant pour la filiale espagnole de Sega depuis 1987 et savait que les précédentes consoles Coleco, Atari et Nintendo avaient échouées en Espagne. Mais il se ravisa finalement après avoir été convaincu par Nick Alexander, le directeur de Virgin Games : il vit alors que les consoles pouvaient fonctionner. Les consoles avaient déjà un marché et Paco Pastor découvrit que Sonic, le jeu phare de Sega, avait généré plus d'argent que Julio Iglesias et Le Silence Des Agneaux réunis, deux phénomènes culturels du moment. ![]() Nick Alexander ![]() Paco Pastor chez Sega en 1992 La croissance des affaires de Sega España fut impressionnante de 1991 à 1994. L'entreprise passa d'une dizaine de personnes à plus de 300. Andrew Bagley fut président de Nintendo España jusqu'en 1996, date à laquelle il fut victime d'une crise cardiaque fatale à l'âge de 41 ans. Il fut remplacé par Luciano Pereña. En 1993, Sega sortit sa nouvelle console Mega CD en Europe. Paco Pastor estima que Sega avait entre les mains le moment historique pour entrer dans les salons, mais qu'ils firent une erreur avec le positionnement du prix, beaucoup trop élevé. Il en parla à Nick Alexander, qui était à présent PDG de Sega Europe, qui lui dit "Paco, tu as raison, va au Japon et dis-le à Hayao Nakayama" (NDLR : le grand patron de Sega à l'époque). Paco Pastor alla au Japon et demanda notamment que les anciens jeux Sega soient portés sur Mega CD, mais Hayao Nakayama estima que les anciens jeux ne montraient pas ce qui pouvait être fait à l'époque sur cette console. Les deux hommes ne parvinrent pas à un accord et le rêve de Paco Pastor de voir des prix bas sur les jeux Sega s'envola. Frustré, il décida d'abandonner. Il déclara plus tard "Je pense qu'après dix ans dans le monde des jeux vidéo, j'avais envie de changer d'air. D'autre part, j'avoue qu'à l'époque, je pensais que la stratégie produit que Sega Japon commençait à adopter n'était pas la bonne." Paco Pastor quitta ainsi le monde des jeux vidéo et revint à la musique, retrouvant aujourd'hui encore ses anciens camarades de Formula V. ![]() Paco Pastor à nouveau heureux dans le monde de la musique ERBE Software connut une croissance rapide et, au plus fort de sa puissance financière, atteignait un chiffre d'affaires de près de 10 milliards de pesetas (60 millions d'euros). C'est à ce moment-là qu'elle fut acquise par Inversiones Ibersuizas. ERBE Software continua à travailler main dans la main avec Nintendo jusqu'à "ce jour fatidique". Au petit matin du 22 février 1993, un incendie détruisit l'entrepôt de jeux vidéo que possédait ERBE Software dans le quartier numéro 6 de Móstoles. L'entrepôt était en fait un navire où était déposées 50 000 consoles Game Boy et Super Nintendo, et leurs jeux, qui devaient être distribuées dans toute l'Espagne. Lors des opérations d'extinction, les pompiers découvrir une échelle, un verre brisé et des traces d'essence, prouvant qu'il s'agissait d'un incendie criminel. Dans un commentaire sur le site espagnol Fase Bonus, on apprit que la nouvelle de l'incendie se répandit rapidement dans la ville. Et profitant de l'agitation et du chaos suscité, un grand nombre de personnes pillèrent l'entrepôt afin de récupérer des Game Boy, des Super Nintendo et des jeux. Dans les jours qui suivirent, jusqu'au 3 mars 1993, ERBE Software subit une grave crise au cours de laquelle elle perdit la distribution exclusive de Nintendo, l'un de ses clients les plus importants. Parmi les employés d'ERBE Software circula une rumeur selon laquelle l'assurance flottante n'aurait pas été mise à jour. Le 3 mars, Inversiones Ibersuizas intervint et licencia le directeur et le directeur général adjoint, reprenant la direction de l'entreprise. Les investisseurs tentèrent de récupérer le contrat de distribution avec Nintendo et de renégocier les conditions de paiement, sans succès. Cela déclencha une guerre entre actionnaires qui se déballa même dans la presse espagnole, nuisant considérablement à l'image d'ERBE Software. Changement de cap pour ERBE Software En 1991 et 1992, la production propre de Topo Soft fut de plus en plus reléguée au second plan. ERBE Software se concentrait sur des marchés plus rentables comme la distribution des consoles ainsi que la localisation et la distribution des titres 16 bits de sociétés telles que LucasArts et Sierra, Cette situation, ainsi que la crise qui frappa le marché des jeux vidéo (dépréciation des machines 8 bits, arrivée des consoles), affectant gravement toutes les entreprises espagnoles, entraîna le déclin progressif de Topo Soft qui n'avait pas fait les efforts nécessaires pour s'adapter aux nouveaux marchés. Le studio fit des coupes sévères au niveau de son personnel en raison de la baisse des ventes et ceci mit la filiale dans une situation délicate. Paco Pastor ayant quitté ERBE Software et cette dernière s'étant concentrée sur d'autres secteurs d'activité, ce fut Rafael Gómez Rodríguez qui fut chargé de prendre la relève au cours des dernières années, à un moment où ses rivaux étaient soit en train de disparaître, comme Opera Soft, soit de se reconvertir, comme dans le cas de Dinamic avec Dinamic Multimedia. Avec l'arrivée de Rafael Gómez Rodríguez à ERBE Software, la société fut définitivement fermée, dans un processus qui dura jusqu'en 1994, au cours duquel les sorties de titres diminuèrent progressivement, avec cette fois des jeux 16 bits, comme Luigi Y Spaghetti. ![]() Rafael Gómez Rodríguez ![]() Luigi Y Spaghetti sur PC C'est alors que María Jesús López apparu à nouveau sur la scène. Alors qu'elle était toujours directrice chez Canadian Store, Inversiones Ibersuizas l'a contacta pour lui proposer la direction d'ERBE Software, mais sans y être actionnaire. María Jesús López effectua une analyse et une évaluation de la viabilité d'ERBE Software et ce qu'elle trouva n'était pas bon. L'entreprise n'était qu'un mirage de ses meilleures périodes. Mais loin de jeter l'éponge, elle décida de faire avancer ERBE Software, cette fois avec Antonio Peinado, ancien directeur de Proein. ![]() Antonio Peinado En outre, ERBE Software obtint de nouvelles licences comme Flight Simulator, l'encyclopédie Encarta et Musical Instruments de Microsoft, les simulateurs de MicroProse, Doom 2, etc. En ce sens, le nouveau responsable d'ERBE Software commenta qu'il leur fallut "beaucoup d'appels aux États-Unis" pour amener Doom 2 en Espagne : "C'est moi qui étais au téléphone à 4 heures du matin quand les gens de GT Interactive ont confirmé qu'ils nous donnaient la distribution exclusive." En plus de cette exclusivité, Antonio Peinado décida de raccourcir le délai entre la sortie originale des jeux et leur vente en Espagne, qui était d'environ 7 ou 8 mois. Ils imitèrent alors le modèle commercial de la musique qu'ils connaissaient déjà, où les albums sortaient en même temps et dans tous les territoires. Pour y parvenir, ils investirent massivement dans l'accélération de tous les processus de localisation des jeux et des manuels. En 1995, avec María Jesús López et Antonio Peinado à la tête d'ERBE Software, l'entreprise était en partie revivifiée. Son potentiel de croissance était tel que Grupo Anaya, sous le label Anaya Interactiva, décida d'acquérir et d'absorber le distributeur espagnol. ERBE Software participa ensuite au lancement de la PlayStation en Espagne, qui se concrétisa par la création de la structure PlayStation España. Les années suivantes, María Jesús López devint la directrice commerciale de PlayStation Iberia avant de prendre sa retraite. De son côté, ERBE Software disparut en tant que marque. Anaya vendit ce qui restait de la société à Havas Interactive, qui appartient désormais à Activision Blizzard. La renaissance En février 2019, le retour d'ERBE Software fut annoncée à travers une nouvelle société fondée à Santa Cruz de Tenerife. Le site Internet est erbesoftware.com et la société fut dirigée par Marcos García de la Rosa. ![]() Marcos Garcia De La Rosa ![]() Rafael Gómez Rodríguez, l'ancien patron d'ERBE Software, tient un magasin de jeux vidéo depuis 2016 nommé Mad Mix Game, comme son jeu. Il localise en espagnol les titres de Sony, il y réalise les doublages et les traductions. Le site toposoft.org permet de jouer à certains jeux de la ludothèque Topo Soft directement sur le site via un émulateur en Java. Actuellement, seuls les jeux pour ZX Spectrum sont jouables. Le site mentionne tous les ordinateurs sur lesquels ils ont développé... sauf l'Amiga. Annexes Liste des personnes qui ont travaillé pour Topo Soft
![]() Une autre photo de l'équipe de Topo Soft
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