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Dossier : Conception d'un scénario de jeu
(Article écrit par Laurent Defrance et Jean-Michel Maman et extrait de Tilt - septembre 1991)


Avec la conception d'un scénario, tout est dans votre imagination, tout dépend de vos inventions les plus folles. A part celle de la puissance des micros actuels, il n'existe aucune limite à ce que vous pouvez créer ! Imaginez un jeu d'aventure en Mandchourie au XIVe siècle, ou une épopée galactique au-delà des limites de l'univers ! Faites combattre des plantes carnivores, des Saturniens, des boules de glace et des sacs de pop-corn ! Organisez la grande révolte des tire-bouchons fous et assoiffez l'humanité ! Ou (plus zen) inventez un jeu de stratégie calme et lent, aux couleurs changeantes et aux symboles mystérieux...

La fortune et la gloire

Le jeu en vaut la chandelle. Tous les éditeurs de logiciels de jeu sont maintenant à la recherche de bons scénaristes. Fini le temps où la même personne inventait un jeu sur un coin de table, le programmait, le dessinait et ajoutait lui-même quelques notes de musique... Chaque programme sérieux est maintenant conçu comme une super-production, c'est-à-dire comme l'oeuvre d'une équipe de spécialistes : au moins un scénariste, un programmeur, un graphiste, un musicien et une poignée de testeurs pour les structures les plus légères !

Le scénariste tient, bien sûr, une place essentielle dans cette équipe. Il en est le créatif, le maître d'oeuvre. Car il ne suffit pas d'afficher 500 couleurs simultanément, de battre le record du monde de vitesse de défilement ou de noyer le joueur sous un déluge de dessins et de musique pour fabriquer un bon jeu. Il faut aussi l'idée, l'étincelle de génie, qui va rendre le jeu à la fois totalement nouveau et absolument indispensable ! Voilà exactement ce que l'on demande au scénariste... Et voilà aussi ce qui le rend si rare.

L'art du scénario de jeu

Un scénariste de jeu pour micro n'est pas vraiment différent d'un scénariste de film ou de BD. Il doit faire travailler son imagination et inventer une bonne histoire ou un bon principe dramatique. Puis il doit mettre en place toutes les scènes, tous les personnages, tous les détails, très précisément, pour fournir au programmeur (au réalisateur pour le film, au dessinateur pour la BD) un guide minutieux du projet à réaliser.

Bref, pas de meilleur rôle que celui de scénariste ! Vous laissez libre cours à votre imagination, vous êtes en même temps débarrassé de tous les travaux techniques fastidieux et, finalement, vous voyez surgir dans la réalité le produit de vos rêves. Miracle !

Hélas, les choses ne sont pas si faciles... Un scénario de jeu a quand même quelques particularités que vous ne devez pas oublier. C'est un jeu. C'est donc un univers dans lequel vous allez faire jouer quelqu'un d'autre. Un univers qu'il va pouvoir modifier, un univers dans lequel il va agir... Un univers interactif.

Il faut donc penser sans arrêt au plaisir de jouer de "l'autre" et à la durée d'intérêt du jeu. Par exemple, une bonne idée est d'utiliser un principe de plus en plus répandu : la non-linéarité, c'est-à-dire, plus simplement, l'opportunité donnée au joueur de trouver plusieurs moyens différents d'atteindre le but du jeu.

Paul Cuisset, scénariste de Delphine Software indique : "Prenons l'exemple d'un homme en train de se noyer. Dans le cas d'un jeu écrit linéairement, le joueur devra obligatoirement lui porter secours. Sinon, c'est un cas de fin de jeu. Pour ce qui est d'un jeu non linéaire, le joueur pourra passer son chemin sans se soucier du noyé. Il aura ensuite la possibilité de revenir sur ses pas."

Dans ce type de jeu, le joueur a ainsi le sentiment d'agir vraiment sur le cours de l'histoire. Il est plus libre de ses décisions, de ses choix. L'un des meilleurs exemples de jeu non linéaire est Maupiti Island de Lankhor. Le joueur a une totale liberté d'action. Il mène son enquête comme bon lui semble. Certes, il existe plusieurs passages pour arriver à la fin du jeu, mais il y a de nombreux moyens pour parvenir à ces passages... Notez que ce genre de structure n'est pas facile à mettre en place. Un scénario non linéaire ne s'écrit pas en une nuit.

Maupiti Island
Maupiti Island : un scénario non linéaire

Voilà qui est très différent d'un film, d'un roman ou d'une BD, où le spectateur/lecteur se contente de suivre passivement le déroulement des événements. Dans un jeu sur micro, c'est le joueur qui provoque ces événements et c'est le scénariste qui les lui a mijotés dans le scénario. D'une certaine manière, tous deux communiquent par l'intermédiaire de la machine et du logiciel. Et il faut qu'ils communiquent bien. Cette communication s'établit grâce aux commandes, puisque le joueur agit grâce aux outils mis en place par le scénariste (manette, souris, icônes, écrans, etc.) et grâce aussi à un principe de jeu facile à comprendre, en même temps complexe, intéressant, et amusant.

Le scénariste doit être à la fois très créatif et très concret. Il doit tout concevoir et tout prévoir, du déroulement global du jeu au moindre de ses écrans. Un jeu d'aventure ? Il faut définir chaque objet, sa forme, sa place, son utilité, son moment d'utilisation. Il faut aussi créer chaque personnage, inventer son caractère, déterminer son rôle et son action dans différentes phases du jeu... Sans oublier pour autant d'être imaginatif. On ne fait pas appel à un scénariste de jeu pour qu'il réinvente inlassablement le Pac-Man, Tetris ou Explora. Et comment trouver une idée originale ? Ce genre de miracle ne se commande pas.

Bref, l'écriture d'un scénario de jeu n'est pas un simple exercice de style, juste une vague idée et une histoire joliment écrite. C'est beaucoup de précision et beaucoup d'imagination.

Quelques conseils élémentaires

"Un rêve qui reste un rêve reste un rêve" (Lao-Tseu). C'est-à-dire, plus clairement, que si vous pouvez laisser divaguer votre imagination autant que vous le voulez pour inventer les grandes lignes de votre scénario, vous devrez très vite vous astreindre à en préciser tous les détails. Exemple : "C'est un jeu d'aventure. Le joueur incarne le célèbre Captain Tornad, qui part en mission pour délivrer la galaxie des méchants envahisseurs Truggls." C'est une idée comme une autre, pas très originale on vous l'accorde. Mais son principal inconvénient est surtout de n'être encore qu'une idée très vague, presque rien...

Un seul moyen pour lui donner consistance : vous posez des questions sur chacun de ses éléments, puis répondre à ces questions. Ces nouvelles réponses entraîneront d'autres questions, puis d'autres réponses, et ainsi de suite... Enfin, au bout du compte, vous vous retrouverez avec une histoire bien construite et, le plus souvent, beaucoup plus originale que l'idée de départ ! D'abord, qui est le Captain Tornad ? Est-ce un envoyé officiel de la Fédération ou un aventurier ? A-t-il un vaisseau spatial super sophistiqué, ou un vieux clou qu'il améliorera au fur et à mesure ? Est-il seul ou a-t-il un équipage ? Dans ce dernier cas, quels sont les membres de l'équipage, leur fonction, leur caractère ?

Le Captain part en mission... Mais quelles sont les conditions de sa mission ? Et donc le but du jeu ? Doit-il agir dans un temps limité, avant une catastrophe par exemple ? Doit-il chasser tous les Truggls en usant de diplomatie ? Doit-il seulement défier et vaincre leur chef ? Et dans ce cas, qui est ce chef ? Quels sont ses pouvoirs, ses faiblesses ? Est-ce un vieil ennemi du Captain ?

Délivrer la galaxie... La galaxie, c'est bien grand et c'est bien vague ! C'est pourtant le terrain même du jeu qu'il faut définir à ce propos. Le Captain va-t-il sauter de planète en planète pour agir à même le sol, ou va-t-il seulement combattre dans l'espace ? Ou les deux ? Jusqu'à quel degré de précision descendra-t-on ? Le Captain ira-t-il jusque dans les maisons, palais et magasins des Truggls, ou se contentera-t-il de bombarder leurs villes ? Rencontrera-t-il uniquement les puissants, ou se mêlera-t-il à la population pour remplir sa mission ?

Et les Truggls... Pourquoi ont-ils envahi la galaxie ? Comment la tiennent-ils économiquement, par la force, par la magie ? Et qui sont-ils ? Car il faudra bien qu'on les voit dans les écrans du logiciel... Et vous ne pouvez pas tout laisser à l'imagination du graphiste, parce que les caractéristiques physiques des Truggls doivent influer sur le scénario : ils sont humains par exemple, mais ils ont le petit doigt raide ! Ou ils ont un énorme cerveau sur deux petites pattes. Ou ils sont recouverts d'une peau en titanium absolument indestructible... sauf sous les bras ! Ou ils sont invisibles ("Non ! Non !" crie le dessinateur). Ou... Ou...

Enfin, libre à vous d'imaginer les scénarios les plus fous ! Une seule exigence : être précis, tout détailler, tout prévoir. Une seule méthode : braquez-vous en pleine face votre lampe de bureau et commencez l'interrogatoire !

En jeu comme ailleurs, c'est ainsi que travaillent les scénaristes professionnels. Souvent même à plusieurs, pour qu'un problème ou une question qui échappe à l'un soit toujours posée par un autre.

L'originalité

Comment inventer une idée de jeu originale ? Mystère. Si nous avions déjà trouvé une méthode sûre, nous bronzerions actuellement au soleil de Californie au lieu de vous donner des conseils !

Il y a cependant quelques principes de base. D'abord, ne pas essayer de faire trop compliqué. On peut faire très simple et triompher, les preuves indiscutables abondent : Tetris, dont l'idée tient toute entière en quelques mots (ranger des formes géométriques qui tombent pour créer des lignes qui disparaissent), les casse-briques et leurs variantes, Quix (entourer des surfaces avec une ligne), Klax (empiler des blocs de couleur) ou même, dans les jeux classiques, les Dames, Othello ou le Bridge, c'est-à-dire des jeux aux règles très, très simples mais à la stratégie très, très compliquée.

Tetris
Tetris : une idée simple au service d'un grand jeu

A notre avis, il y a trois moyens de se mettre sur la piste d'une idée originale. Primo, trouver dans la réalité quelque chose de rare et de nouveau à simuler. Par exemple, la bataille du rail (comme l'ont fait les créateurs de Tycoon Railroad), la construction et la gestion d'une ville (SimCity), donner au joueur le rôle d'un dieu (comme dans Populous) ou d'un chirurgien (comme dans Surgeon). Ensuite, il faut aller à contre-courant des idées reçues. Un exemple, l'extraordinaire Lemmings : il s'agit d'assurer la survie d'un groupe de personnages en leur donnant des ordres. D'habitude, dans un jeu d'arcade, on dirige directement à la manette un personnage unique. Cette fois, on donne des ordres indirects, avec la souris, et à plusieurs personnages à la fois (notons que Populous, à sa façon, avait déjà un peu ouvert la voie). Résultat : des stratégies inédites, un plaisir de jouer complètement nouveau et, au bout du compte, un succès !

Lemmings
Le but dans Lemmings : assurer la survie d'un groupe de personnages

On peut ainsi rêver à un jeu de guerre où il faudrait essayer d'empêcher les combats, à un jeu d'arcade où le joueur dirigerait des aliens désarmés et nombreux contre un seul ennemi très puissant, ou encore à un jeu d'aventure où il ne se passerait (presque) rien... Le secret est au bout du délire !

SimCity
SimCity : devenir le maire d'une ville

Troisième mode de recherche vers la "grande idée" : enrichir les principes de jeu déjà existants et mélanger les genres. Un excellent exemple est Battle Chess, jeu d'échecs classique où les combats entre les pièces sont animés. Centurion Defender Of Rome mêle à la fois stratégie, arcade et simulation. Plus simplement, rendons encore hommage à Arkanoid : le simple fait d'avoir ajouté des bonus sous les briques a d'un seul coup relancé le genre ! Reste enfin tous les jeux d'aventure qui s'agrémentent de parties de roulette, de Black Jack et de séquences d'arcade... Mais cette piste-là commence à être un peu usée !

Battle Chess
Battle Chess : du classique mais avec des animations

Il est enfin possible de bâtir son scénario autour d'un personnage célèbre. Une course de voile avec Florence Arthaud, par exemple... Un avantage : les éditeurs risquent d'être plus facilement séduits. Un inconvénient : on risque un peu d'oublier que le jeu doit, lui aussi, être de qualité pour devenir célèbre...

Voilà de très bons conseils. Pourtant, ils ne valent rien. Car le jeu le plus original, c'est évidemment celui auquel on ne pense jamais ! Ah, Tetris, Tetris, si j'avais inventé Tetris...

De l'histoire au scénario

Bon. Ça y est, vous avez une bonne histoire, qui vous plaît, et qui se tient. Hélas, vous n'êtes pas encore au bout de vos peines ! Car un scénario de jeu pour micro-ordinateur doit déboucher sur une réalité concrète, un logiciel, un vrai, qui tourne... Vous devez donc tenir compte des impératifs techniques et des possibilités actuelles de nos ordinateurs. Donc, soyez réaliste : pas de jeu d'arcade où 250 sprites dévalent simultanément l'écran ; pas de jeu de stratégie pour douze joueurs reliés en réseau sur PC 486 sous OS/2 ; pas de jeu d'aventure de 5000 écrans numérisés sur CDI ! Faites simple et ne cherchez pas nécessairement l'exploit technique. Nos pauvres micros, dont les joueurs du XXIe siècle rigoleront, permettent quand même d'excellents jeux, vous le savez par la pratique !

En outre, un éditeur est toujours plus séduit par un logiciel dont le scénario n'exige pas cinq programmeurs à plein temps pendant deux ans, plus Ennio Morricone pour la musique et Jean-Paul Goude pour le graphisme ! Une idée originale qui ne réclame qu'un budget de développement assez modeste est à coup sûr le plus fort des atouts pour un éditeur confronté quotidiennement aux dures lois de la concurrence.

Jouabilité

Vous devez aussi définir toutes les conditions matérielles du jeu : type de contrôle utilisé, écrans et menus d'ouverture, construction générale des écrans, options, etc. Cette fois, vous devez penser à la fois au programmeur qui réalisera votre jeu et au joueur qui le jouera. N'oubliez pas non plus l'éditeur, qui reçoit d'innombrables projets : le vôtre doit trancher sur la masse !

N'oubliez pas qu'un bon jeu est un jeu facile à manipuler et difficile à résoudre. Par exemple, le mode de contrôle (clavier, manette, souris...) doit être bien adapté à votre projet et faciliter la vie du joueur. La difficulté doit se trouver dans le jeu lui-même, et non dans d'affreuses et décourageantes commandes. Ce qui implique, au clavier, des combinaisons de touches proches, qui n'exigent pas les vingt-trois doigts indépendants des Truggls. Avec la souris, ne prévoyez pas des clics au pixel près préférez des surfaces assez larges et visibles. La manette, elle, a moins d'exigences... Méfiez-vous quand même des directions diagonales, bien imprécises sur bon nombre de modèles.

Dans un jeu d'aventure, choisissez un système agréable d'entrée des ordres. Finis les ordres textuels ! Préférez un échantillon d'icônes type Explora ou un système intermédiaire type Indiana Jones ou Monkey Island... Enfin, et surtout, faites en sorte que le joueur retrouve toujours strictement les mêmes modes de contrôle. L'ensemble des commandes doit être logique et facile à assimiler.

Explora
Explora : commandes via icônes

Soignez aussi tous les écrans : il en va du succès de votre jeu ! D'abord, ils doivent être parfaitement lisibles, c'est-à-dire clairement organisés en zones : bien définir la place du score, des vies restantes, des objets transportés, de l'écran de jeu, etc. Comme pour les commandes, cette organisation doit se retrouver tout au long du jeu, afin que le joueur, dans vos écrans, se sente peu à peu comme chez lui. Si vous utilisez des icônes, regroupez-les et arrangez-vous pour qu'elles ne puissent être confondues (la seule faiblesse de Lemmings, à notre avis).

Pensez aussi à tous les écrans secondaires : choix de départ, messages intermédiaires, options, scores, etc. L'agrément de votre jeu dépend largement d'eux. Par exemple, prévoyez un écran d'attente où le joueur a le temps de lire son score en fin de partie... Élémentaire ? Même des éditeurs renommés, comme Ocean avec Puzznic, peuvent oublier ce genre de détail crucial !

Si le joueur doit faire un choix complexe, prévoyez un écran à part entière. N'oubliez pas une validation finale, en cas d'erreur. Dramatisez ! Si le joueur a réussi un exploit très extraordinaire, a franchi un cap crucial, ou a atteint un lieu exceptionnel, donnez-lui en récompense un bel écran annexe qui illustre son triomphe. Rien de plus décevant qu'un logiciel mou, qui ne réagit jamais à vos prouesses... Conseil contraire : ne multipliez pas pour autant les écrans secondaires ! Certains logiciels, que nous ne nommerons pas par charité, deviennent injouables du fait de continuels et interminables accès disque... et changements de disquettes ! De la mesure, donc.

Et la difficulté ?

C'est vraiment le point le plus délicat. Vous devez imaginer la difficulté du jeu dès le scénario, c'est-à-dire avant même que le jeu soit réalisé et puisse être testé... Quelques règles simples peuvent vous aider. On peut estimer d'abord que la difficulté du jeu doit être croissante. C'est le principe appliqué dans la plupart des jeux. La raison en est évidente, il est catastrophique pour le joueur d'être bloqué dès le début. Par contre, plus il avance dans le jeu, plus il le maîtrise, et plus il est capable d'en résoudre les difficultés.

La progression peut cependant ne pas être linéaire. Une pointe soudaine de difficulté, un monstre soudain très récalcitrant sont les bienvenus. Et juste après, par exemple, une phase tranquille et amusante, une sorte de havre de paix après le drame... avant de rencontrer d'autres épreuves encore plus sérieuses ! Rainbow Island, d'Ocean, est un bon exemple de ce genre de dosage.

Méfiez-vous aussi de vous-même. Un obstacle peut vous sembler facile, parce qu'il correspond à votre façon d'agir ou de jouer, et être complètement infranchissable pour les autres ! Ce que vous imaginez, les autres doivent pouvoir aussi facilement l'imaginer... Cela n'interdit pas les passages secrets les plus subtils, ou les astuces les plus délirantes. Mais pensez toujours à mettre le joueur un peu sur la piste ; pensez toujours à l'autre, cet autre qui va utiliser votre jeu pour se défier et s'amuser. Au besoin, testez auprès d'amis les difficultés.

Attachez en même temps une grande importance à la logique de votre jeu. Les délires sont possibles, mais ils doivent préserver la logique interne du scénario. Vous pouvez d'ailleurs mettre le joueur, discrètement, sur la piste. Dans Monkey Island par exemple, le sanctuaire du grand singe s'ouvre en introduisant un coton-tige géant dans l'oreille de sa statue : peut-on faire plus fou ? Mais le joueur a été prévenu, une dizaine d'écrans plus tôt, que "Le singe n'ouvrira la bouche que s'il a l'oreille propre". Toujours dans le même logiciel, les scénaristes se moquent des jeux d'aventure à la logique indéchiffrable : votre personnage disparaît soudain dans une autre pièce, vous en perdez le contrôle, et vous voyez alors apparaître les ordres les plus délirants : "Planter le mashmallow sur la corne du rhinocéros", "Aboyer trois fois en se bouchant le nez", etc. Faites en sorte qu'ils ne se moquent pas ainsi de votre propre scénario !

Pour maîtriser la difficulté et renforcer l'intérêt du jeu, multipliez aussi les solutions. Un jeu est bien plus riche si plusieurs chemins différents peuvent également mener au succès. Au besoin, ajoutez des fausses pistes... Enfin, ne martyrisez pas le joueur ! Pitié pour lui ! Ne découpez pas un jeu d'arcade en tableaux nécessitant chacun une heure de jeu ininterrompue ! Prévoyez aussi un système de codes d'accès progressifs rien de plus lassant que de devoir recommencer éternellement les premiers tableaux déjà ultra-connus et ultra-résolus (Rock'n Roll, de Rainbow Arts, en est un triste exemple...) !

Battle Chess
Rock & Roll : on recommence au début à chaque erreur

Ne placez pas au début d'un jeu d'aventure un objet qui sera absolument indispensable à la fin et que le joueur aura vraisemblablement perdu ou mal utilisé en cours de route. Cinquante heures de jeu annulées car il doit repartir à zéro... Après cela, si vous recevez des paquets par la poste, ouvrez-les avec précaution ! Bref, réalisez le jeu auquel vous rêveriez de jouer vous-même.

Le cas Lucas

La manière de travailler de Lucasfilm (Maniac Mansion, Zac Mac Kracken, Indiana Jones, Monkey Island...) est intéressante. Comme pour la plupart des scénarios de jeu, il leur a fallu écrire un synopsis sur papier qui décrit précisément les caractéristiques des personnages, des lieux, des décors... L'équipe de Lucasfilm a élaboré un langage propre à leur jeu : SCUMM (Script Creation Utility for Maniac Mansion). Les conseils (gratuits) transmis par Lucasfilm pour écrire un scénario de jeu, se résument en quelques mots : lire de nombreux livres, aller au cinéma et s'intéresser au travail des autres crèateurs.

Toujours garder à l'esprit qu'un créateur de jeu est avant tout un joueur passionné... Il n'en reste pas moins que votre imagination doit être la première pierre sur laquelle se bâtira votre scénario. En revanche, il n'est pas évident de mettre en forme le sujet de vos "divagations". Entre l'oral et l'écrit, il y a bien souvent un fossé. Fossé que les éditeurs ne sont pas prêts à franchir lorsqu'ils reçoivent des projets de jeu à l'état brut, sans aucune présentation, peu clairs et n'allant pas à l'essentiel.

Suite aux nombreux entretiens avec les professionnels du jeu, un constat s'impose : il faut définir un cadre à votre scénario. Il est sensiblement le même que ce soit pour un jeu d'aventure, d'action, de réflexion, de simulation...

Un scénario bien en forme

Comment présenter son scénario ? Voici un exemple de scénario de jeu fictif. La présentation de ce scénario type a été établie grâce aux conseils éclairés de scénaristes, de créateurs de jeux, et de chefs de projet...

Notre scénario type se décompose en trois parties : le synopsis (très bref aperçu du jeu), la fiche technique (toute la structure du programme, en détail) et le scénarimage (tout le déroulement du jeu, textes et écrans, détaillés très minutieusement).

1. Le synopsis

En quelques lignes, vous expliquez qui est le personnage principal, quel est son objectif, quels sont les principaux obstacles. Ce court texte doit être clair et ne pas se noyer dans des détails qui seront traités dans le scénarimage.

Titre du jeu : Le journal d'Alcidric.
Le titre est ce que l'on voit en premier. Il a donc une influence sur le choix du joueur : j'achète ou je n'achète pas.

Style du jeu : action/aventure/simulation.
Le style du jeu est un choix personnel, suivant les goûts et les envies du créateur de jeu.

L'histoire : Alcidric vient d'être engagé à l'essai dans un grand quotidien. Il a une semaine pour faire ses preuves. Il commence par livrer des journaux, puis il enquête sur la disparition de son premier article et, enfin, il doit libérer son rédacteur en chef, prisonnier de journalistes concurrents.

2. La fiche technique

Votre fiche technique devra comporter trois parties distinctes :
  • Le nombre de joueurs : attention, si vous prévoyez plusieurs joueurs, précisez s'ils jouent chacun leur tour ou l'un contre l'autre. Pour ce qui est du nombre, cela dépend du type de jeu. Généralement, il y a un joueur pour les jeux d'aventure. Pour les jeux d'arcade, de simulation, de sport, le nombre varie entre 2 et 8 ou plus.

  • La construction : ici, nous entrons dans le vif du sujet. Chaque partie du jeu est décomposée en module ou scène. A l'intérieur de chacun d'eux, vous décrivez ce que doit faire le joueur, le décor général (c'est au moment du scénarimage que vous détaillerez le cadre où se déroule l'action), ce qui se passe s'il échoue ou s'il réussit, la partie écran (cela peut prendre la forme d'un croquis), les commandes ou la façon de jouer (pour donner au joueur les moyens de communiquer avec la machine).

  • Les options : ce qui suit est facultatif. Il n'en reste pas moins que vous pouvez nous soumettre vos idées.
    • Sauvegarde : quand, comment, où le joueur a-t-il accès à la sauvegarde ?
    • Musique/bruitage : important pour créer l'ambiance du jeu (les portes en fer dans Dungeon Master par exemple).
2.1 Exemple de fiche technique

Nombre de joueurs : 1.

Structure : le jeu se décompose en cinq modules qui s'enchaînent linéairement.

Module 0 : présentation du jeu. Le joueur a le choix entre une nouvelle partie ou le chargement d'une partie sauvegardée. S'il commence un nouveau jeu, il indique son nom.

Module 1 à 3 : déroulement du jeu.

Module 1 : simulation de conduite de scooter et distribution de journaux. Le joueur a trois minutes pour livrer ses vingt journaux.
  • Décor : une ville en trois dimensions surface pleine.
  • Obstacles : piétons, véhicules, embouteillages, intempéries. Ces différents éléments sont animés.
  • Cas d'échec : le temps est dépassé, le joueur est tombé plus de cinq fois du scooter, il n'a pas livré assez de journaux (le nombre minimum est de quinze sur vingt). Dans tous ces cas, retour au module 0.
  • Cas de réussite : le joueur livre à temps plus de quinze journaux. Il passe au module 2.
  • Écran :
    • Compteurs : icône journal (indique le nombre de journaux déjà livrés), icône temps (indique les secondes qui restent au joueur), icône scooter (indique le nombre de chutes).
    • Carte : point rouge (indique l'endroit où les journaux sont à livrer), point vert (représente la position d'Alcidric).
    • Écran actif : vue du tableau de bord du scooter avec le compteur de vitesse. Le décor défile en vertical.
  • Commandes :
    • A la manette : avancer (haut), freiner (bas), tourner (droite-gauche).
    • Au clavier : avancer (flèche haut), freiner (flèche bas), tourner (flèches droite-gauche). Pour lancer le journal, il faut appuyer sur le bouton "feu" ou sur la touche "espace".
Module 2 : Alcidric est devenu pigiste. Il a deux heures pour retrouver son article que des esprits jaloux ont subtilisé. Cette mini-enquête se déroule de manière linéaire. Il existe cinq scénarios différents qui se chargent aléatoirement à chaque partie.
  • Décor : les locaux du journal (salle de rédaction, secrétariat, bureau du rédacteur en chef, couloir...).
  • Obstacles : les rares indices sont donnés au joueur en échange d'objets trouvés.
  • Cas d'échec : le temps est dépassé. Dans ce cas, retour au module 1.
  • Cas de réussite : le joueur passe au module 3.
  • Écran :
    • Partie icône : l'oeil (examiner l'objet en le faisant apparaître en gros plan), la main (prendre l'objet. Il va dans l'inventaire), la bouche (dialoguer n'est possible que si le joueur rencontre une autre personne. Dans ce cas, il choisit une des trois questions affichées dans la partie texte), les deux mains (donner/poser un des objets de l'inventaire), la main + le pied (actionner/combiner deux objets entre eux), le sac (inventaire dont la capacité est de cinq objets).
    • Compteur temps : pour chaque action, une minute s'écoule.
    • Partie texte : trois lignes maximum pour la description du lieu, d'un objet et du dialogue entre le joueur et les autres personnages.
    • Écran actif : le joueur n'apparaît pas à l'écran.
  • Commandes : à la souris. Pour se déplacer, il faut cliquer à l'écran sur l'endroit désiré. Cliquer sur les icônes pour les actionner.
Module 3 : Alcidric doit libérer le rédacteur en chef retenu en otage par des journalistes concurrents. Il doit s'introduire dans la maison par une fenêtre ouverte.
  • Décor : l'immense parc (arbres, bosquets, mare, allée de graviers...) qui entoure la maison.
  • Obstacles : les gardes, les chiens, les pièges, les obstacles naturels (mare, graviers...), l'otage qui change d'endroit toutes les trois minutes.
  • Cas d'échec : il s'est fait repérer plus de trois fois. Dans ce cas, il retourne au module 1.
  • Cas de réussite : à la libération du rédacteur en chef, il passe au module 4.
  • Écran : 100% écran actif. Le joueur est vu en plan large légèrement en plongée. Le décor défile en multidirectionnel.
  • Commandes :
      A la manette : haut (avancer), bas (reculer), droite (tourner de 45 degrés à droite), gauche (tourner de 45 degrés à gauche). Bouton "feu" appuyé et haut (sauter), bas (se baisser).
Module 4 : Alcidric reçoit sa carte de journaliste. Il est engagé définitivement.
  • Décor : la salle de rédaction remplie de monde.
  • Écran :
    • Texte : trois lignes où le joueur apprend qu'Alcidric fait partie du journal.
    • Écran actif : Alcidric reçoit sa carte de journaliste des mains du rédacteur en chef. La foule l'ovationne.
Création d'un scénario

3. Le scénarimage

C'est la partie la plus longue du scénario. Pas à pas, écran après écran, vous décrivez avec détail chaque scène du jeu. Dans la colonne de gauche, vous représentez, sous la forme de croquis, le décor, la position des personnages, le cadre (compteurs, icônes...). La colonne de droite est réservée au texte des dialogues, aux textes d'explication et même à la solution pour passer à la scène suivante. La technique du scénarimage (que l'on doit au cinéma) n'est pas utilisée par tous les créateurs de jeu. Cependant, que ce soit des tables ou des organigrammes, le principe reste le même : il s'agit de décrire très minutieusement le déroulement du jeu. Attention, le scénarimage présenté ici n'est pas vraiment complet, faute de place. Seul chaque début de module y est représenté.

Exemple de scénarimage

L'exemple s'appuie sur le jeu Operation SteaIth de Delphine Software. Écrire le scénarimage d'un jeu comme Operation Stealth demande de longs mois de travail. Une représentation graphique des différentes scènes donne un aperçu rapide du décor, de la position des personnages et permet de visualiser l'enchaînement des écrans pas à pas. L'exemple ci-dessous montre le découpage de quelques scènes du jeu. Entre les premiers croquis et les photos écran, vous remarquerez des différences. Jouez au jeu des sept erreurs...

Création d'un scénario

Création d'un scénario

Les "antivols" du scénariste

Vous venez de terminer le scénario de votre jeu et vous estimez, à juste titre, qu'il a ses chances être édité... Au sujet des éditeurs, il faut savoir qu'ils reçoivent régulièrement un grand nombre de scénarios. Comme on l'a vu, il ne suffit pas d'arriver avec une idée originale, ou un bout de synopsis. Les éditeurs veulent avoir un maximum de renseignements (synopsis détaillé, scénarimage...) avant de prendre une quelconque décision.

Disons donc que votre scénario est retenu... D'abord, fêtez largement ce triomphe avec vos copains ! Puis trempez-vous la tête dans une bassine d'eau glacée et dites-vous que tout n'est pas encore réglé. Car il peut arriver, malheureusement, que certains éditeurs profitent de votre inexpérience et gardent votre scénario pour eux. C'est très, très, très énervant ! Pour éviter ce désagrément, une seule solution : protéger votre scénario. Il existe deux moyens :

1. Déposer chez un notaire ou un huissier l'original ou la copie du scénario, sous enveloppe scellée. La date de ce dépôt fait preuve d'antériorité.

2. S'adresser à une société d'auteurs. Dans le domaine de l'écriture de scénario, il faut passer par la SGDL (Société des Gens de Lettres). Elle garantit l'authenticité du document. Vous devez adresser l'original ou la copie complète du scénario sous enveloppe cachetée de cire ou paraphée au dos, à cheval sur la fermeture. Le titre du scénario doit être inscrit sur l'enveloppe avec vos nom, prénom et adresse. Il vous en coûtera 237 FF (et 20 centimes !) et cela pour une durée de quatre ans renouvelable. Pour plus de renseignements, écrivez à la SGDL, 38, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris (Tél : 40.51.33.00).

Entrevue avec Sylvian Bruchon

Sylvian est roi ! Scénariste prolixe, il tient une place à part dans le monde des créateurs de jeu. L'éditeur Lankhor a eu le nez fin lorsqu'il lui a proposé de reprendre les enquêtes du déjà célèbre Jérôme Lange (du jeu Maupiti Island). Sylvian vient d'ailleurs de terminer le troisième volet de ses aventures, Soukiya.

- Comment devient-on scénariste de jeu ?

Pour raison alimentaire (sourire). J'ai pu constater que l'on n'existait en tant que scénariste qu'à partir du moment où l'on gagnait de l'argent. En fait, chaque cas est différent. On ne peut pas faire de généralité. Pour ma part, je n'avais jamais joué sur micro avant d'écrire Maupiti Island. Le hasard et les rencontres ont bien fait les choses puisque Lankhor m'a fait confiance.

- Quelles sont les grandes étapes pour écrire un scénario ?

Pour ce qui est de Maupiti, qui s'inscrit dans le cadre des aventures de Jérôme Lange, je me suis attaché à créer une ambiance particulière et à faire voyager le personnage. En partant de ces deux envies, j'ai écrit un synopsis de quelques lignes qui situe le lieu, l'intrigue... Pour développer cette idée, il a fallu me documenter. C'est une partie essentielle dans l'élaboration de mes scénarios.

Soukiya en est un bon exemple : l'intrigue se situe dans un monastère zen au Japon. J'ai dû faire des recherches sur la manière de vivre des moines, leur emploi du temps, leur cadre de vie, leur langage et leur façon de penser. Avec ces nouveaux éléments, le synopsis s'étoffe. Sous forme de tables, je représente les différents lieux, les objets, les événements qui font agir les personnages :

Création d'un scénario

Une fois cela fait, je prévois les réponses en fonction de l'emploi du temps des personnages. Après, c'est aux programmeurs de prendre le relais. Cependant je m'intéresse au travail sur les images fait par les graphistes. Bien évidemment, je participe aux nombreux tests et aux préversions, il faut compter un an et demi environ pour écrire un jeu comme Maupiti.

- Es-tu confronté à des difficultés particulières ?

Oui, et ce sont généralement les mêmes. Tout prévoir et ne pas perdre le fil de l'histoire ! Déterminer toutes les imbrications entre les événements, les personnages, les actions... Il faut savoir s'arrêter.

- Quels conseils pourrais-tu donner à ceux qui voudraient écrire un jeu ?

Être exigeant et logique. J'ai toujours à l'esprit de faire un jeu sur lequel j'aimerais jouer. Il est toujours possible de trouver un programmeur et de montrer le jeu complet à une maison d'édition. Mais cela demande une grande motivation et un grand désir de réussir.

- Et l'avenir ?

J'ai le sentiment que d'ici à quelques années, on va voir des gens du cinéma et de la vidéo s'intéresser de plus en plus aux jeux sur micro. Avec les nouvelles technologies (CD-ROM, CDTV...), les créateurs de jeu pourront aller plus loin. Écrire un scénario deviendra alors un métier à part entière...


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