Obligement - L'Amiga au maximum

Vendredi 06 juin 2025 - 12:39  

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Dossier : Andy Warhol et l'Amiga
(Article écrit par Marek Hac et extrait d'Amiga Friendship - septembre 2022)


Note : voici un article issu d'Amiga Friendship qui, en plus d'être un magazine Amiga, est aussi une initiative caritative qui soutient Krzysztof "SirLEO" Zeglen, qui souffre d'une maladie incurable appelée fibrodysplasie depuis de nombreuses années. Toute personne soutenant SirLEO avec un minimum de 20 PLN (4,50 euros) recevra un accès à cette publication.

S'il n'y avait pas eu l'événement du 23 juillet 1985, Andy Warhol serait pour nous, fans d'Amiga, une figure aussi lointaine que Michael Jackson ou toute autre célébrité des années 1980. Cet événement fut, bien sûr, le lancement de notre ordinateur préféré au Lincoln Center de New York. À l'époque, Andy Warhol était déjà une légende vivante et la bohème artistique voyait en lui une icône de l'avant-garde. Il n'est donc pas surprenant qu'il fut inclus en tant qu'invité spécial au Lincoln Center de New York pour montrer au monde entier les capacités de la nouvelle machine révolutionnaire de Commodore. Andy Warhol lui-même annonça souvent qu'il se rendrait à l'inauguration de n'importe quoi, y compris d'un siège de toilettes. Amiga ? Pourquoi pas... Mais s'agissait-il vraiment d'un grand événement, et non pas un parmi d'autres qui réduirait la popularité du roi du pop art ? Ou était-ce le début de la carrière d'Andy Warhol en tant que passionné d'Amiga ? Cette question me taraude depuis longtemps. J'ai décidé d'entreprendre un voyage archéologique au pays du pop art à la recherche de la pièce manquante qui me permettrait d'assembler ce mystérieux puzzle.

Mais commençons par le commencement

Andy Warhol (ou plutôt Andrew Warhola) est né le 6 août 1928 à Pittsburgh, une ville ouvrière de la côte est des États-Unis. Cependant, ses véritables racines se trouvent dans un petit village des Carpates, à la frontière de la Pologne. Les parents d'Andy Warhol étaient d'origine ruthène et avaient émigré en Amérique depuis un petit village appelé Mikowa (aujourd'hui au nord de la Slovaquie). Dès son plus jeune âge, Andy Warhol fit preuve de talents artistiques et dessinait pendant son temps libre. Au lycée, il passait le plus clair de son temps à dessiner. Il s'efforçait de réaliser le rêve de son père : aller à l'université. La façon dont il se libéra de ses origines, par l'art et le talent, s'avéra être un facteur très important. Et son talent était "très spécial" remarqua l'un de ses amis. Avec l'argent économisé auprès de son père, Andy Warhol put quitter Pittsburgh, une ville extrêmement malodorante, pour aller étudier dans la métropole cristalline de New York.

C'est à New York qu'en juin 1949, après avoir terminé ses études d'art au Carnegie Institute Of Technology, Andy Warhol trouva un emploi au sein du magazine Glamour, où il débuta comme concepteur de production en dessinant des illustrations des artistes les plus célèbres du monde. Il commença par dessiner des illustrations de chaussures de femmes. Une fois, dans le département éditorial de ce magazine, une de ses oeuvres fut signée par erreur "Andy Warhol" (donc sans le "a"). Depuis, il utilisa cette version écourtée de son nom. Il devint rapidement un décorateur et un illustrateur prolifique de livres et de magazines. Comme le rappelle Victor Bockris, l'auteur de sa biographie, "Andy s'est rendu compte de la grande popularité de son travail. Le motif "bizarre" était très répandu dans le monde de la publicité. S'il créa le genre de dessins que l'on pouvait attendre de quelqu'un comme lui, il a en même temps introduit en sous-main plus de choses que l'on ne pensait."

Cependant, Andy Warhol ne se contenta pas d'une reconnaissance dans le monde des arts appliqués, il voulait susciter l'intérêt dans les milieux artistiques. Malheureusement, au début, ses oeuvres ne furent pas bien accueillies. La situation changea en 1956 : la carrière d'Andy Warhol commença à prendre de l'ampleur. Elle débuta avec l'explosion d'un nouveau courant artistique, le pop art. Andy Warhol en était un fervent adepte, mais il eut du mal à trouver ses propres sujets et sa technique. Il ne voulait pas copier les oeuvres de bandes dessinées de Roy Lichtenstein et de James Rosenquist, il cherchait quelque chose qui ait plus d'impact. C'est un ami concepteur qui lui donna l'idée décisive. L'architecte d'intérieur Muriel Latow, qui, voyant l'aigreur et l'errance d'Andy Warhol, lui proposa en plaisantant de lui donner une idée fantastique pour 50 dollars. Andy Warhol accepta. Muriel Latow lui suggéra de "dessiner quelque chose que tout le monde rencontrait tous les jours, que tout le monde reconnaîtra... une boîte de soupe, par exemple." Andy Warhol s'empressa de faire un chèque de 50 dollars et c'est ainsi que naquit l'idée d'une série de dessins révolutionnaires sur le thème des "boîtes de soupe Campbell".

Nous étions en 1962, l'année où la nouvelle de la mort de Marilyn Monroe, icône de la culture pop américaine, circulait dans le monde entier. Andy Warhol décida de dessiner une série de portraits de Marilyn Monroe en utilisant une image fixe du film Niagara de 1953. Il s'avéra par la suite qu'il s'agissait de l'une des oeuvres les plus importantes d'Andy Warhol. En utilisant la technique de la sérigraphie, il réussit à obtenir un effet répétitif qui faisait ouvertement référence à la production de masse. Mais en fait, chaque répétition avait un caractère, des couleurs et des imperfections différents. "Andy Warhol, par le biais de la sérigraphie - une technique artisanale plutôt brutale - finit par ridiculiser la production de masse et éleva le dessin sur un piédestal", écrivit à propos de la sérigraphie, un contemporain d'Andy Warhol, le critique d'art Peter Schjeldahl.

Andy Warhol
Série de dessins de Marilyn Monroe datant de 1962.
source : artcloud.com


De 1963 à la fin des années 1960, Andy Warhol produisit également des films dans son studio new-yorkais, la fameuse "Factory" argentée. L'un des films les plus célèbres d'Andy Warhol fut Sleep, un film de six heures sur un homme endormi, qui semblait complètement ridicule, mais qui finit par être extrêmement populaire. Andy Warhol utilisa une astuce simple en ralentissant la vitesse de lecture de 24 à 16 images par seconde, ce qui donna à la production une dimension artistique complètement différente. "Il y avait une certaine transformation de la réalité que nous connaissions", se souvint Jonas Mekas, cinéaste américain, qui ajouta : "Andy Warhol proposait une nouvelle vision du monde, célébrait l'existence en ralentissant notre perception".

En 1968, Andy Warhol échappa miraculeusement à la mort lors d'un attentat. Une balle de revolver de calibre 32 lui traversa le côté droit et ressortit par le côté gauche de son dos. L'assassin s'avéra être l'écrivaine et féministe déséquilibrée Valerie Solanas, qui déclara lors de l'enquête qu'Andy Warhol "avait trop de contrôle sur [sa] vie". Par cet acte de violence désespéré, elle voulait "se venger". Heureusement, en dépit de ses blessures internes, les chirurgiens de l'hôpital de New York parvinrent à "recoller les morceaux" d'Andy Warhol. Mais l'artiste ne se rétablit jamais complètement et dût faire face à des problèmes de santé jusqu'à la fin de sa vie.

Andy Warhol
Série de dessins "Campbell's Soup Cans" (1962).
source : www.artbasel.com/


Dans les années 1970, Andy Warhol était déjà une vedette internationale, surtout en Europe. Il était essentiellement une oeuvre d'art qui captivait et déroutait tour à tour les spectateurs. Il réalisa des portraits de personnalités politiques et du monde du spectacle. Après l'ouverture du "terrain de jeu" pour les beaux, les riches, les influents et les célèbres (c'est-à-dire le club Studio 54 à Manhattan) en 1977, Andy Warhol devint un visiteur régulier. Là aussi, il était souvent en compagnie de Debbie Harry, qu'il avait déjà connue à la Factory. Debbie Harry (ainsi que le reste du groupe Blondie) vint au studio d'Andy Warhol non seulement pour lui rendre hommage, mais aussi pour flasher dans les pages d'Interview, un populaire magazine dont le rédacteur en chef n'était autre qu'Andy Warhol.

En 1980, Andy Warhol réalisa un portrait de Debbie Harry dans son style pop art caractéristique. La chanteuse de Blondie apparut également à plusieurs reprises dans l'émission de télévision "Andy Warhol's TV" diffusée sur le câble américain. Il fut donc fort probable qu'Andy Warhol ait recommandé cette vedette sexy de la chanson comme sa compagne lors du lancement de l'Amiga 1000. Après tout, ils étaient amis depuis des années.

Andy Warhol
Portrait de Debbie Harry sur toile de 1980.
Source : www.artmajeur.com


Dessiner à l'écran

Mais avant de nous installer confortablement dans l'auditorium du Lincoln Center de Manhattan, récemment rénové, il convient d'évoquer les préparatifs de ce gala sans précédent. Pendant sa tenue, deux événements révolutionnaires devaient avoir lieu : le lancement de l'ordinateur révolutionnaire et la création du premier dessin numérique par Andy Warhol. Il convient de préciser ici qu'Andy Warhol n'avait jamais utilisé sérieusement d'ordinateur auparavant. Il est vrai que Steve Jobs essaya d'encourager l'artiste à utiliser un Macintosh en 1984 (lors de la fête d'anniversaire du fils de John Lennon), mais il ne fut pas intéressé.

Néanmoins, Andy Warhol fut sincèrement ravi lorsqu'il réussit à dessiner à l'écran... un cercle. Peut-être que l'écran monochrome du Macintosh n'était pas du goût d'un artiste pour qui la couleur était si importante ? Ainsi, en ce qui concerne l'Amiga, Andy Warhol semblait être la personne la mieux placée. Comme le rappelle Gerard Malanga, un de ses très proches amis : "Andy aimait toutes sortes de machines et de gadgets, et il utilisait les innovations technologiques et les nouvelles technologies dans ses expériences pour aider à la création d'images".

Pour le lancement de l'Amiga, Commodore avait donc prévu de réaliser une cérémonie spéciale. Stephen Greenberg, le chef des relations publiques de Commodore souhaitait inviter un artiste pop pour cette cérémonie de lancement. Il connaissait personnellement Andy Warhol et ce dernier fut intéressé par cette idée. Le 14 juin 1985, Andy Warhol arriva au siège de Commodore (au Seagram Building) et Donald Greenbaum, le directeur financier de l'entreprise, lui donna un prototype de la machine et un logiciel de dessin. Selon Donald Greenbaum, "Andy Warhol fut captivé par ce nouveau média et il passa beaucoup plus de temps avec nous que prévu".

Jeff Bruette, programmeur chez Commodore, connaissait très bien le logiciel Graphicraft d'Island Graphics, qu'Andy Warhol devait utiliser pour créer ses premières oeuvres numériques. Jeff Bruette fut chargé d'apprendre à l'artiste comment utiliser le programme et de le "familiariser" avec l'Amiga. Cette tâche s'avéra très difficile - "Andy était très réticent. Nous avons passé la matinée à travailler avec les outils de base du programme Graphicraft et à lui expliquer la différence entre le bouton droit et le bouton gauche de la souris. Puis nous avons fait une pause pour déjeuner et lorsque nous sommes revenus à l'Amiga, il s'est avéré qu'Andy Warhol avait oublié tout ce qu'il avait appris depuis le début de la matinée.". Il ajouta que le cerveau d'Andy Warhol avait probablement subi un "lavage de cerveau" à cause d'une consommation de drogue à long terme.

Cela dit, le jugement du programmeur de chez Commodore n'était pas en phase avec la vérité. Car Andy Warhol ne prit jamais de drogues (même si le Studio 54 en était pourvu). Il ne buvait pas non plus d'alcool et, dans les années 1980, il était encore plus préoccupé par sa santé. Cette réticence, que Jeff Bruette put éprouver, était une caractéristique plutôt naturelle chez l'artiste, dont les personnes extérieures à son cercle n'étaient pas conscientes. Lors de la présentation de l'Amiga, Andy Warhol manipula néanmoins la souris sans aucun problème et navigua dans le programme graphique comme s'il le connaissait depuis des années. Cette nature perverse du roi du pop art se manifestera encore plusieurs fois aux employés de Commodore, mais n'allons pas trop vite en besogne.

Are you ready to paint me ?

Retour au Lincoln Center, où Debbie Harry et Andy Warhol entrèrent en scène, sous les applaudissements du public. D'un pas séduisant, la chanteuse s'asseya sur une chaise juste devant une caméra reliée à un numériseur couplé à l'Amiga 1000, puis, d'une voix un peu nerveuse, elle posa à Andy Warhol la question : "Ètes-vous prêt à me dessiner ?". Debbie Harry jeta un coup d'oeil rapide à l'aperçu de la caméra, rectifia sa coiffure et se positionna pour la photo numérique. Andy Warhol l'attendait déjà devant l'Amiga. Il était accompagné de Jack Hager, un graphiste professionnel de chez Commodore, qui fut nommé à la tête de l'Amiga.

Jack Hager, en plus de divertir le public, avait une tâche bien plus sérieuse : sauver Andy Warhol si celui-ci se "perdait" accidentellement dans ProPaint (nom de l'époque du programme Graphicraft, à des fins de publicité) ou, pire encore, si l'Amiga tombait en panne... car ce n'était un secret pour personne que le programme graphique d'Island Graphics était encore en phase alpha. Jack Hager devait être prêt au cas où l'ordinateur devrait être redémarré (le public devait alors être amusé par une blague spécialement préparée pour l'occasion). Jusqu'à présent, cependant, tout se passait comme prévu. Un portrait monochrome de Debbie Harry apparut sur l'écran de l'Amiga.

C'est à partir de ce portrait qu'Andy Warhol créa son premier dessin numérique. Dessiner sur l'Amiga absorba tellement l'artiste qu'il oublia l'avertissement que Jack Hager et Jeff Bruette lui avaient donné plus tôt. Le programme ProPaint contenait des bogues. L'un d'entre eux se cachait dans l'algorithme de remplissage des couleurs. Le programme utilisait le matériel pour cette fonction et, en moyenne, elle plantait une fois sur deux. Par conséquent, Andy Warhol ne dût utiliser qu'une brosse, tout en évitant l'option "défectueuse" de remplissage avec de la couleur.

Andy Warhol
Andy Warhol et Debbie Harry lors de la première mondiale de l'Amiga 1000.
Source : artcollecting.info


Cependant, la perversité du roi du pop art l'emporta. Comme le rappela RJ Mical, un cocréateur de l'Amiga qui observa toute la situation de près, "Andy a choisi la fonction de remplissage des couleurs, clic, clic, clic. Je me suis dit : ça va planter, ça va planter ! Tous les ingénieurs présents dans l'assistance retenaient leur souffle. Mais nous avons eu une chance inouïe. D'une manière ou d'une autre, l'algorithme de remplissage des couleurs n'a pas fait planter l'Amiga".

Quand Andy Warhol finit de dessiner, tous les ingénieurs poussèrent un ouf de soulagement. "C'est très joli", dit Andy Warhol en admirant le résultat de son travail. "Je pense que je vais le garder pour moi." Andy Warhol n'avait pas encore expérimenté sa première création numérique. L'image ressemblait étrangement au portrait de Debbie Harry qu'il avait peint sur toile cinq ans plus tôt : cheveux jaunes, yeux bleus, il ne manquait que la bouche colorée en rouge vif. Mais c'est peut-être mieux ainsi. Qui sait, si la prochaine fois que la fonction de remplissage des couleurs devait être utilisée, l'Amiga pourrait produire sa propre oeuvre appelée... "Guru Meditation". ;)

Andy Warhol
Portrait de Debbie Harry réalisé sur un Amiga en 1985.
source : Amiga World numéro 01/02 1986


L'entrevue qui n'a pas eu lieu

Il semblerait que le contrat entre Andy Warhol et Commodore portait essentiellement sur sa présence au gala de la première au Lincoln Center. Cependant, certains arrangements supplémentaires furent conclus "sous la table". L'artiste accepta de devenir l'ambassadeur de la marque Commodore Amiga et d'accorder une entrevue exclusive au tout nouveau magazine "Amiga World". Le magazine vit le jour à la fin de l'année 1985, sous l'impulsion de Commodore et de l'éditeur du magazine Run. Sans surprise, le noyau éditorial était composé de rédacteurs de ce magazine (dont Guy Wright).

Il est intéressant de noter que Commodore promit de racheter 10 000 exemplaires des trois premiers numéros du magazine (qui avait un tirage de 30 000 exemplaires). Le point fort du premier numéro devait être une entrevue avec Andy Warhol. Cela n'était, en principe, pas surprenant si ce n'est qu'Andy Warhol n'avait pas donné d'entrevues depuis de nombreuses années. En fait, il les donnait pour son propre magazine Interview ou dans le cadre d'Andy Warhol's TV. Même ses collègues de la Factory se frottaient les yeux de surprise lorsqu'ils réalisèrent qu'Andy Warhol avait accepté une entrevue. Probablement que le montant élevé du chèque (émis par Commodore) assouplit quelque peu la politique d'Andy Warhol de ne pas donner d'entrevues. Ce n'était d'ailleurs pas un secret que Commodore rémunérait très largement l'artiste pour sa contribution à la promotion de l'Amiga.

Guy Wright et Glenn Suokko furent chargés de mener l'entretien. Tous deux tombèrent rapidement dans le piège. Ils se rendirent à l'entretien en espérant qu'Andy Warhol partagerait ses sentiments sur l'art et la technologie informatique moderne. Ils s'attendaient à une conversation animée, spirituelle et intelligente avec une icône de l'avant-garde. Malheureusement, ils ne firent pas suffisamment de recherches, sinon, ils auraient su qu'Andy Warhol était un compétiteur acharné et que, lors de ses apparitions publiques, la plupart de ses discours se réduisaient à l'articulation apathique de mots tels que "oui" ou "non".

L'équipe d'Amiga World, en arrivant au studio de l'artiste à New York (où l'entrevue devait avoir lieu) trouva Andy Warhol en train de travailler sur deux Amiga 1000 (dont l'un lui avait été offert par Commodore, et l'autre qu'il avait acheté lui-même). Andy Warhol travaillait justement sur un portrait de Dolly Parton, une chanteuse américaine très populaire à l'époque. Des gens de la Factory traînaient dans les parages. Andy Warhol prenait des clichés monochromes du portrait de Dolly Parton et testait différents jeux de couleurs pour le portrait sur un Amiga 1000. À la vue de Guy Wright et de Glenn Suokko, il ne détourna même pas le regard. Il était connu pour être un bourreau de travail, alors bon gré mal gré, l'entrevue dut être menée entre les clics de la souris et le râle du moteur de la caméra vidéo couplé au numériseur de l'Amiga. À ce stade, l'artiste utilisait exactement la même technique que lors de la présentation de l'Amiga. Il prenait des photos avec l'appareil photo et les éditait avec ProPaint. Il devint rapidement évident qu'Andy Warhol n'avait pas grand-chose à dire à presque toutes les fines questions posées par l'équipe d'Amiga World. Comme le rappela Guy Wright, l'entrevue fut un véritable calvaire. Voici les réponses d'Andy Warhol à certaines questions :

Guy Wright : Comment voyez-vous l'avenir des ordinateurs et de l'art ?

Andy Warhol : Oh, très bien.

Guy Wright : Comment percevez-vous les avantages de l'utilisation de la souris ?

Andy Warhol : Mhm, j'aime bien.

C'était déjà très moyen quand Warhol répondait à demi-mot. Pire quand les réponses n'avaient rien à voir avec les questions posées. Guy Wright cherchait désespérément une sorte de point focal, mais sans grand succès. Il s'en souvint : "L'entretien avec Andy a été la pire expérience de toute ma carrière de journaliste". Ce qu'il réussit à enregistrer en essayant d'entrer en contact avec Andy Warhol (car le mot "entrevue" est certainement une exagération), ne convenait à rien.

Cependant, l'entrevue tant annoncée de la vedette devait, après tout, paraître dans le premier numéro d'Amiga World. Guy Wright se donna donc beaucoup de mal pour rassembler des bribes d'informations pour rédiger un article sensé. En conséquence, la plupart des réponses attribuées à Andy Warhol dans l'entrevue sont l'invention créative de Guy Wright. Même la photo de la couverture du magazine (signée comme étant l'oeuvre de l'artiste) n'était en fait que l'oeuvre de quelqu'un d'autre. Il fut promis aux éditeurs d'Amiga World qu'Andy Warhol réaliserait un dessin pour la couverture du premier numéro du magazine. Cependant, Guy Wright se rendit compte que les promesses d'Andy Warhol ne valaient pas grand-chose. Il demanda donc à Glenn Suokko de créer une oeuvre d'art, basée sur les photos prises pendant l'entrevue, qui semblerait sortir de la main d'Andy Warhol. Et il faut dire que la couverture fut probablement la meilleure partie de toute l'entrevue, qui oscillait autour des plaintes d'Andy Warhol concernant... l'absence d'imprimante. "Si j'avais une imprimante maintenant, je pourrais imprimer cette image dans toutes ces différentes combinaisons de couleurs et l'envoyer à Dolly Parton", s'agaçait l'artiste.

Andy Warhol
Couverture, non pas du premier, mais du troisième numéro (Vol 2. No. 1) du magazine Amiga World.
Source : Amiga World numéro 01/02 1986.


Bien sûr, l'entrevue contient des idées très intéressantes, par exemple "L'art de masse est du grand art" ou "Les dessins réalisés sur Amiga sont sympathiques parce qu'ils ressemblent à mon travail". Cependant, il est difficile de dire si ces propos sortaient réellement de la bouche d'Andy Warhol ou s'ils étaient plutôt issus de la tête de Guy Wright. Ce qui est incontestable, c'est qu'Andy Warhol fit effectivement un usage passionné de l'Amiga en créant des portraits de la fine fleur du monde du spectacle américain. Ah... si seulement il avait eu cette imprimante...

Adieu

Au fait, un an après la publication de "l'entrevue" dans Amiga World, la santé d'Andy Warhol commença à décliner. Au début de l'année 1987, des douleurs dues à des calculs biliaires s'intensifièrent à tel point qu'il dut ralentir son travail. La situation fut si grave qu'elle menaça même sa vie. Une intervention chirurgicale immédiate s'imposait. Cependant, Andy Warhol avait une peur panique des hôpitaux. Ils lui rappelaient la série d'interventions douloureuses qu'il avait dû subir après avoir été touché par balle en 1968. Cependant, la douleur était déjà si paralysante qu'Andy Warhol atterrit finalement dans la salle d'opération du détesté New York Hospital. L'ablation de la vésicule biliaire infectée était censée être une opération de routine. L'artiste entra à l'hôpital le vendredi et devait en sortir le dimanche.

Malheureusement, ce dimanche 22 février 1987, le roi du pop art mourra de complications post-opératoires. Il avait 58 ans. L'enquête révéla de nombreuses irrégularités. Les médecins ne recueillirent pas de données essentielles sur l'état de santé du patient avant l'opération, ils ne tinrent pas compte de son état de santé. Son allergie à la pénicilline ne fut pas prise en compte et le personnel hospitalier commit un certain nombre de négligences. Il faut également ajouter qu'Andy Warhol était un homme très malade. Il souffrait d'anémie et de nombreux autres maux (la blessure par balle endommagea pas moins de neuf organes internes). Tout ceci détermina probablement l'issue de l'opération.

La succession d'Andy Warhol, estimée à 100 millions de dollars selon son testament, fut utilisée pour créer la "Fondation Andy Warhol pour les arts visuels", une organisation qui soutient les artistes les plus talentueux du monde entier en leur accordant des bourses. "Grâce à lui, nous avons senti que même les objets les plus simples et les sujets les plus ordinaires avaient beaucoup de poésie en eux et signifiaient beaucoup", écrivit Patterson Sims, du Whitney Museum, dans ses mémoires posthumes sur Andy Warhol.

Andy Warhol

Vous pouvez spéculer sur ce qui se serait passé si Andy Warhol avait survécu à l'opération et continué à jouer son rôle d'ambassadeur influent de la marque Commodore Amiga. La scène démo ne l'aurait-elle pas élu pape (comme elle l'a fait avec le mouvement punk à la fin des années 1970) ? Malheureusement, l'époque du règne d'Andy Warhol et celle de l'immense popularité de l'Amiga n'ont pas coïncidé. C'est dommage, car les deux "marques" auraient pu en profiter grandement. Andy Warhol n'a pas seulement laissé une marque durable sur la culture du XXe siècle. Il a également laissé des centaines de boîtes remplies de toutes sortes de babioles. C'était un thésauriseur qui allait "chasser" chaque semaine. Il achetait des objets dans lesquels il voyait une certaine valeur (surtout matérielle à long terme). La plupart de ces objets ont trouvé leur place au musée Warhol de Pittsburgh, sa ville natale. Parmi eux se trouvent également des dizaines de disquettes 3,5 pouces sauvegardées dans un "format étrange". Il a fallu attendre plus de 20 ans pour que quelqu'un s'intéresse à ce qui pouvait y être enregistré.

Mais c'est un sujet pour une autre partie de l'histoire d'Andy Warhol. La suite suivra... ou pas. ;)

Annexe : citations intéressantes
  • "Notre vie n'a pas de caractère tant qu'elle ne devient pas un souvenir" - A. Warhol.
  • "La peinture est difficile - ce que je veux montrer est mécanique. Les machines ont moins de problèmes. J'aimerais être une machine, comme tout le monde, je pense, n'est-ce pas ?" - A. Warhol.
  • "A l'avenir, chacun aura son quart d'heure de célébrité mondiale". - A. Warhol.
  • "De temps en temps, il y a un individu - souvent, mais pas nécessairement, un artiste - qui sent certaines vibrations, des signaux qui ne sont pas encore captés par l'équipement standard. La clairvoyance qui a permis à Andy de toucher une corde sensible dans la mode et les beaux-arts, cette énergie qui vient de Dieu sait où, l'inexpressivité et la naïveté, le mystère et le vide de son masque public - tout cela indique la présence d'une intuition troublante" - Calvin Tomkins.
  • "Il aimait collectionner le meilleur, le pire et le médiocre. Il aimait les ordures, l'idée même qu'il puisse y avoir une forme avancée de médiocrité" - Stuart Pivar.
  • "Pour être honnête, je ne pense pas que l'oncle Andy était très heureux. Tout cet argent et cette célébrité ne lui apportaient pas le bonheur..." - George Warhola, neveu d'Andy Warhol.
  • "La postérité reconnaîtra peut-être qu'il appartenait à son époque et que la chance lui a souri." - John Russel dans le New York Times, le lendemain de la mort d'Andy Warhol.
Annexe : musée

Dans le village de Medzilaborce en Slovaquie (à seulement 10 km de la frontière polonaise et à 6 km du lieu de naissance d'Andy Warhol), il y a un bâtiment coloré qui abrite le "Musée d'art moderne d'Andy Warhol". Malheureusement, parmi les souvenirs et les oeuvres originales de l'artiste, il n'y a pas de musée d'art moderne, vous ne trouverez pas d'Amiga 1000 ;). Néanmoins, il s'agit d'un lieu touristique très intéressant sur la carte de la Slovaquie et, pour ceux qui s'intéressent au pop art, il s'agit même d'un lieu à ne pas manquer. :)

Andy Warhol

Andy Warhol
Musée d'art moderne Andy Warhol à Miedzilaborce.
Source : slovakia.travel et Wikipédia (contribution personnelle, CC BY-SA 4.0)


Note : cet article est basé sur une biographie d'Andy Warhol par Victor Bockris. J'ai cité des anecdotes sur l'Amiga tirées du livre "Commodore: The Amiga Years", écrit par Brian Bagnall. Le reste des informations a été trouvé sur Internet.


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